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L’usage de médications ou de techniques pour diminuer la douleur remonte à la plus Haute Antiquité.
L’utilisation du cannabis remonte à plus de 5000 ans avant JC. Le chanvre indien figurait dans L’herbier du divin cultivateur (Sheng-Nung, Chine, 2700 ans avant JC).
De nombreuses plantes : pavot, ciguë, mandragore, jusquiame, datura … étaient connues des anciens et quelques fois utilisées pour la chirurgie.
L’éponge est utilisée depuis la Haute Antiquité comme récipient. La toute première trace de son utilisation en Occident est retrouvée au IXe siècle dans des monastères bénédictins (Monte Cassino en Italie, Bamberg en Allemagne). Cette formule fut reprise avec quelques variantes aux siècles suivants, d’abord à Salerne au XIe siècle, puis à Bologne, Montpellier et Avignon. En 1471, la réédition du Livre de Nicolaus Salernitanus du XIe siècle (exposé ici), donne une recette d’huile de mandragore avec d’autres plantes pour le sommeil et l’analgésie.
Le principe est de préparer un mélange de plantes, d’en imprégner une éponge, de la faire sécher, de la garder dans un vase clos, de l’humidifier à l’eau chaude avant de s’en servir et de faire inhaler ses vapeurs au patient avant la chirurgie. Chaque couvent avait sa propre recette non transmissible car elle dépendait de la qualité des plantes utilisées.
Des substances volatiles furent préparées par les alchimistes du Moyen-Âge.
Dès le XIIe siècle, l’éther et le chloroforme ont été découverts.
Au XVIe siècle, Paracelse (1493-1541) préparait l’éther sulfurique à partir du vitriol et de l’alcool dont il décrivait l’effet anesthésiant et analgésiant ainsi que sa totale réversibilité. Mais il n’y eut aucune application.
A la fin du XVIe siècle, le grand alchimiste Della Porta (1535-1615) a su réunir les propriétés de l’alcool et des distillats végétaux. Il n’employait pas d’éponge mais façonnait des « pommes » et en les faisant humer, une insensibilité et une immobilité étaient obtenues.
Les Assyriens (2000-800 avant J.C.) obtenaient l’inconscience par la compression des vaisseaux sanguins du cou pour la circoncision.
Ambroise Paré comprimait les vaisseaux pour diminuer le saignement lors des amputations (1564). Il en est de même pour Jean Louis Petit (1718).
En 1784 James Carrick Moore prône la compression nerveuse pour l’analgésie des amputations.
Il est bien connu qu’en état d’alcoolisme aigu, une certaine analgésie est obtenue comme le confirme une gravure du XVe siècle.
En 1646, Marco Aurelio Severino (Italie) préconise l’utilisation de mélanges froids (glace et neige) pour l’anesthésie chirurgicale. A la bataille d’Eylau en 1807 et pendant la campagne de Russie, Dominique Larrey observe les effets bénéfiques du froid pour l’analgésie des amputations.
L’usage moderne de l’hypnose a été initié par Franz Anton Mesmer (1733-1815). Il a créé une méthode hypnotique en 1780 qu’il a appelée magnétisme animal.
Citons les premiers initiateurs de l’hypnotisme : de Puységur 1815, Cloquet 1829, Esdaille 1840, Braid 1842 et Hippolyte Bernheim 1884.
Humphry Davy en 1800 suggéra l’utilisation du protoxyde d’azote pour les opérations chirurgicales non hémorragiques.
La triste histoire de Henri Hill Hickman qui, en France en 1824 comme en Angleterre, ne réussit pas à intéresser le monde médical à l’action anesthésique du dioxyde de carbone et de « certain other gases ».
Jusqu’à la moitié du XIXe siècle en Europe, la douleur est considérée comme nécessaire pour guérir. Les patients sont opérés à vif et un bon chirurgien est quelqu’un qui certes fait souffrir mais qui va vite. En 1839, le chirurgien André Velpeau s’exprimait ainsi :
« Éviter la douleur dans les opérations est une chimère qu’il n’est pas possible de poursuivre aujourd’hui ».
En avril 1844, aux États-Unis le Dr Gardner Quincy Colton a créé un cirque itinérant qui présentait des spectacles où des volontaires inhalaient du gaz hilarant, le protoxyde d’azote. À la même époque étaient organisées des « frolics parties » avec inhalation de protoxyde d’azote ou d’éther.
Crawford Williamson Long, médecin-pharmacien à Jefferson en Géorgie, participait à ces « parties » où de l’éther y était inhalé, entraînant un sommeil calme. Long a utilisé l’éther pour la première fois le 30 mars 1842, pour enlever une tumeur du cou à son ami, James M. Venable. Il renouvela sept fois cette technique dans les années suivantes mais il ne la diffusa pas.
Horace Wells, dentiste à Hartford dans le Connecticut assiste le 10 décembre 1844 à un spectacle du cirque de Colton. Son voisin qui a inhalé le protoxyde d’azote fait une chute et se blesse au mollet. À la fin du spectacle, Wells lui demande s’il a eu mal, celui-ci lui répond qu’il n’a rien senti. Il fait la relation entre l’inhalation et l’analgésie. Le lendemain il se fait enlever une molaire infectée par son adjoint en inhalant du protoxyde d’azote et il ne ressent rien. Il publie dans sa ville et renouvelle les anesthésies sur 15 patients avec les mêmes résultats. Sur les conseils de Morton de Boston, il fait une démonstration au Massachusetts General Hospital mais le patient crie et il passe pour un charlatan.
William Thomas Green Morton dentiste à Boston, fait des recherches sur l’éther de 1845 à 1846. Vous pouvez voir un résumé dans le film muet de la reconstitution de la première anesthésie réalisé en 1936 par l’équipe d’anesthésie du Massachusetts General Hospital. Il constate la variabilité des effets cliniques des produits utilisés. Son ancien maitre Charles Thomas Jackson le 30 septembre 1846 lui indique une pharmacie qui délivre un éther dont les effets hypnotiques sont constants. L’après-midi du 30 septembre 1846, Morton essaye sur lui-même l’éther avec succès. Le soir de cette journée, il effectue avec succès une extraction dentaire sur Eben Frost qui a un abcès sous inhalation d’éther. Dès le lendemain, il publie sa découverte dans un journal de Boston.
Fort de ses résultats quotidiens, il assiège le Pr John Collins Warren, chirurgien et chef de service au Massachusetts General Hospital pour pouvoir faire une démonstration officielle dans la salle d’opération avec amphithéâtre appelée maintenant « Ether Dome ».
Le 16 octobre 1846, l’amphithéâtre est plein. Le patient Edward Gilbert Abbott a une tumeur du cou. Il est attaché sur un fauteuil. Morton est en retard car il apporte des modifications à son appareil. Warren va commencer l’opération quand Morton arrive avec Eben Frost qui explique au patient que tout s’est bien passé pour lui quelques jours auparavant. Morton endort le patient et Warren l’opère pendant 10 à 15 minutes sans que le patient ne crie. Au réveil le patient confirme qu’il n’a rien senti. C’est une ovation dans la salle après la célèbre phrase de Warren :
« Non Messieurs, ce n’est pas une charlatanerie ! » « Nous ne sommes pas l’objet d’une hallucination ; nous venons d’assister à un événement capital dans les annales de la chirurgie. Notre métier est délivré pour toujours de l’horreur ! ».
Des émissaires de la méthode sont envoyés milieu décembre 1846 à Londres et immédiatement l’anesthésie s’est diffusée en Europe et dans le monde.
En France, la première éthérisation a eu lieu le 15 décembre 1846 réalisée par Willis Fischer pour Jobert de Lamballe mais ce fut un échec. Malgaigne reprend la technique et publie le 12 janvier 1847 les premières éthérisations en France.
10 jours plus tard le fabricant français Charrière fabrique son premier appareil d’anesthésie.
En 1847 et en six mois, il y eut 76 communications par 54 intervenants aux académies de Médecine et des Sciences de Paris.
Six mois après, l’éthérisation était devenue une technique reconnue dont il n’était plus possible de se passer.
, médecin d’Édinbourg et deux de ses collègues inhalaient divers produits à la recherche d’un nouvel anesthésique. Un soir son épouse, les retrouve en état comateux, ils avaient inhalé du chloroforme. Le 4 novembre 1847 Simpson réalise la première anesthésie au chloroforme qui viendra concurrencer l’éther.
La bataille de la priorité de la découverte va se passer en Amérique mais surtout à Paris à l’Institut de France.
Jackson , célèbre scientifique, revendique par lettre à l’Institut de France la découverte de l’éther sans citer Morton , petit dentiste. Morton est défendu par Velpeau .
Par ailleurs Wells, devenu antiquaire, vient en France et revendique lui-aussi la découverte. Les documents envoyés par les divers protagonistes sont conservés à l’Institut de France. En 1850 l’Institut rend son avis en remettant le Prix Montyon 1847-1848 conjointement à Jackson pour « ses observations et ses expérimentations sur les effets anesthésiques produits par inhalation de l’éther » et à Morton « pour avoir introduit la méthode dans la pratique chirurgicale d’après les indications de Jackson ».
Wells végète et part à New York, addictif à l’éther et au chloroforme. Un soir sous addiction, il vitriolise une prostituée qui avait injurié son ami. Avant le procès il se suicide dans sa cellule en se sectionnant l’artère fémorale tout en inhalant du chloroforme. Une statue de Wells se trouve Place des États-Unis à Paris 16e arrondissement.
Morton qui est attaqué sans arrêt par Jackson pour l’empêcher de toucher la prime du Congrès américain, vit dans la misère et meurt à New York d’un accident vasculaire cérébral. Ses amis lui firent construire un magnifique monument au cimetière du Mount Auburn près de Boston.
Jackson , addictif à l’alcool et à l’éther, ne supporte pas de ne pas être reconnu comme le découvreur de l’anesthésie, devient fou en voyant la tombe de Morton et finira sa vie dans un asile d’aliénés pendant 12 ans.
Jusqu’en 1940, le chirurgien fait à la fois la chirurgie et l’anesthésie. Il opère soit dans un hôpital ou une clinique, soit à domicile pour les petites interventions. Un aide (chauffeur du chirurgien , religieuse …) se tient à la tête du patient et obéit à ses ordres pour l’anesthésie
À partir de 1930, de rares chirurgiens, s’étant rendu compte du retard que prenait la chirurgie française par rapport aux chirurgies anglosaxonnes, médicalisées depuis 1900, ont pris comme collaborateur un médecin formé à l’anesthésie.
En 1934, le Pr. Robert Monod (1884-1970) crée la Société d’Étude de l’Anesthésie et de l’Analgésie (100 membres dont 4 anesthésistes). La revue Anesthésie et Analgésie est créée en 1935 et parait jusqu’à nos jours avec des titres différents.
La deuxième Guerre mondiale permet de diffuser les nouvelles techniques. En France, seuls 23 médecins spécialisés pour l’anesthésie existent en 1946.
Les agents anesthésiques volatils sont toujours l’éther et le chloroforme. Ce dernier est préféré des chirurgiens sauf à Lyon car il est rapide mais sa manipulation demande de la précision. Il provoque des accidents mortels dont la cause mettra plus de 50 ans à être expliquée.
Dans les années 1860, Le protoxyde d’azote (N2O) revient en force d’abord pour l’anesthésie dentaire, mais aussi pour la chirurgie générale après les travaux de Paul Bert (1878). Celui-ci montre que le N2O pour être efficace doit être donné à 100% de concentration mais il est alors asphyxiant. Il préconise d’utiliser des caissons hyperbares (1,3 atmosphères) ce qui permet de rajouter de l’oxygène. Une salle d’opération itinérante est construite par le Dr Fontaine et des caissons pour les dentistes. Cette technique ne se développe pas en raison de la complexité des installations. L’anesthésie au N2O sera employée avec de l’oxygène dans les années 1930 et 1940.
En 1894, un nouvel anesthésique volatil est découvert, le chlorure d’éthyle d’action rapide mais très courte. Il est très utilisé pour les ablations d’amygdales.
En 1930, Le cyclopropane parait être un très bon anesthésique mais il est très explosif et nécessite un appareil spécial. Il ne sera utilisé en France qu’après 1946.
En 1873/1875 Pierre Cyprien Oré de Bordeaux (France), invente l’anesthésie intraveineuse en injectant du chloral. La durée de l’anesthésie est de 8 à 12h ! Rapidement cette technique est abandonnée en France en raison des risques de phlébite au point d’injection et d’embolie pulmonaire.
Ce n’est qu’à partir de 1905 que d’autres anesthésiques intraveineux sont découverts : Hédonal (1905), Somnifen (1921), Pernoston (1932), Évipan (1932) et Penthotal (1934). Les utilisations françaises ont été rares à ces époques. Le Penthotal® devient un anesthésique très utilisé après 1946.
L’anesthésie est un sujet d’étude pour de nombreux physiologistes français.
Claude Bernard étudie les curares, les anesthésiques et l’asphyxie. Il est le premier à recommander une prémédication à la morphine avant toute anesthésie.
Paul Bert , outre ses travaux sur la pression barométrique, travaille sur le protoxyde d’azote et fait des recherches sur les concentrations efficaces et mortelles des anesthésiques qui débouchent sur l’utilisation de mélanges titrés pour chaque anesthésique. Ces notions ne sont comprises et utilisées qu’au XXe siècle.
Vous avez dans les vitrines l’évolution de l’anesthésie générale. Les techniques les plus simples sont utilisées : linge arrosé d’anesthésique (le patient est à moitié réveillé et l’opérateur à moitié endormi !), masques revêtus de compresses, cornets, …
Les appareils à mélanges titrés n’apparaissent qu’à partir de 1900.
Pour éviter les complications respiratoires pendant l’anesthésie de nombreux accessoires sont inventés : ouvre-bouches, pinces tire-langue, canules oropharyngées…
L’utilisation de l’oxygène en anesthésie date de cette époque, surtout pour la chirurgie thoracique. La technique d’intubation trachéale est décrite.
Des livres expliquant les techniques paraissent régulièrement, ils sont écrits par les chirurgiens.
Au milieu du XIXe siècle, l’anesthésie locale était très peu utilisée, se limitant essentiellement à l’utilisation du froid. D’abord en utilisant des mélanges de glace et de sel, puis après 1850 par des pulvérisations d’éther ou de chlorure d’éthyle.
Les feuilles de coca mâchées par les indiens d’Amérique du Sud sont connues pour leurs effets anesthésiques. Alfred Niemann isole la cocaïne en 1859, il note l’effet anesthésique sur le bord la langue. Karl Koller en 1884 est incité par son chef de service à trouver une méthode d’anesthésie locale. Koller est ami avec Sigmund Freud, qui travaille sur la cocaïne, mais surtout pour ses effets stimulants dans les maladies mentales. Freud lui a laissé un peu de cocaïne, Koller la teste et constate l’anesthésie de sa langue. Il se rend alors au laboratoire, instille quelques gouttes dans l’œil d’une grenouille, d’un cobaye, puis dans le sien et celui de son assistant et constate à chaque fois l’insensibilité de la cornée au contact de la pointe d’une aiguille. Il a découvert l’anesthésie locale par la cocaïne.
Il opère des cataractes et le 19 septembre 1884, il fait présenter ses résultats au congrès d’Heidelberg. C’est un véritable coup de tonnerre, et en quelques mois l’usage de la cocaïne en anesthésie locale se développe dans le monde. La technique la plus simple est l’anesthésie locale par infiltration avec de la cocaïne.
En 1906, August Bier invente l’anesthésie régionale endo-veineuse qui consiste à injecter l’anesthésique dans les veines d’un membre, dont la circulation sanguine a été interrompue par un garrot.
En 1898, August Bier invente la rachianesthésie par l’injection de cocaïne sous la dure-mère après ponction lombaire, qui permet d’anesthésier l’hémicorps inférieur. Mais c’est surtout le Français Théodore Tuffier qui va codifier et développer la technique.
Les Français Fernand Cathelin et Jean Marie Athanase Sicard proposent d’anesthésier les racines nerveuses en dehors de la dure-mère, dans l’espace péridural en injectant dans le canal sacré au travers du hiatus sacro-coccygien. L’idée d’injecter dans le même espace péridural, en passant entre les vertèbres pour obtenir une anesthésie localisée mais plus haute sur le tronc date du début du XXe siècle. En 1920, l’Espagnol Fidel Pagés décrit la péridurale segmentaire mais meurt d’un accident et c’est l’Italien Achille Mario Dogliotti en 1931 qui devient le promoteur de la technique.
En 1884, le chirurgien Américain William Halstedt injecte de la cocaïne à proximité des petits troncs nerveux pour obtenir l’anesthésie sur le territoire du nerf concerné. Georges Washington Crile anesthésie des territoires plus importants en injectant l’anesthésique au contact de gros troncs nerveux comme ceux du plexus brachial, du nerf sciatique ou du nerf fémoral après les avoir dénudés chirurgicalement.
En 1911, Hirschel et Kulenkampff vont définir les techniques d’abord de ces nerfs au travers de la peau à l’aide de repérages cutanés parfois complexes. La certitude du bon placement de l’aiguille est donnée par le patient qui ressent une petite décharge électrique. Pour faciliter cette démarche, la neurostimulation en faisant passer de faibles courants électriques, permet d’obtenir une réponse musculaire pour identifier le nerf recherché. Cette technique est mise au point par Georg Perthes dès 1912, mais ne sera pas développée. Il faudra attendre les années 1970, pour que les progrès de l’électronique mettent au point des neurostimulateurs plus maniables et performants. La technique se généralise alors avant d’être remplacée au tournant du siècle par le repérage échographique.
L’acquisition des différentes techniques sera facilitée par des ouvrages très détaillés, réalisant de véritables bibles de l’anesthésie loco-régionale. Le premier est celui d’Heinrich Braun en 1905. Le plus important est celui initié par le français Victor Pauchet , repris et développé par son élève américain Louis Labat, avant d’être pris en charge par John Adriani.
La cocaïne a été l’élément majeur dans la genèse de l’anesthésie locale, mais rapidement ses effets délétères et toxiques vont apparaitre, parfois responsables du décès des opérés. La recherche de substituts a démarré dès le début du siècle.
Le français Ernest Fourneau réalise la stovaïne, premier anesthésique local de pure synthèse en 1903. Deux ans plus tard, le chimiste allemand Alfred Einhorn met au point la procaïne, beaucoup moins toxique et ouvre la porte d’une nouvelle classe d’anesthésiques locaux, les amino-esters.
Il faut attendre 1948, pour voir apparaître la Xylocaïne® (lidocaïne) synthétisée par le Suédois Nils Löfgren qui est à ce jour l’anesthésique local le plus utilisé dans le monde. Il ouvre aussi une nouvelle classe d’anesthésiques locaux, les amino-amides, plus puissants et maniables, avec en particulier un risque allergique pratiquement nul.
La deuxième Guerre mondiale a prouvé à quelques chirurgiens que l’anesthésie moderne devait être médicalisée.
Les batailles pour combattre le « Chirurgien Dieu » et faire une place aux anesthésistes vont être sévères tant pour l’enseignement que pour la Sécurité Sociale, l’Ordre des médecins, les Hôpitaux et l’Université.
L’enseignement officiel commence à Paris en 1947 avec un cours pour les médecins et infirmières (durée 6 semaines, stage 6 mois). Il est réservé aux médecins en 1948 avec un examen. En 1949, un Certificat d’Études Spéciales d’Anesthésie (CESA) est créé. En 1966, le CESA devient CESAR avec le rajout de la réanimation (3 ans). En 1982, l’anesthésie-réanimation passe dans le régime général par un Internat qualifiant de 4 ans qui est maintenant à 5 ans, soit une durée totale d’études médicales de 11 ans.
Pour la Sécurité Sociale, en 1946, seuls les chirurgiens perçoivent des honoraires, ils reversent à l’anesthésiste 1/10 du K chirurgical retiré de leurs honoraires. Les anesthésistes sont qualifiés à l’époque de « Docteurs 10% ».
En 1947, l’anesthésie spéciale effectuée par un anesthésiste qualifié, est honorée de façon séparée mais soumise à l’appréciation de l’assurance maladie ! Ce n’est qu’en 1953 que tous les patients peuvent bénéficier d’une anesthésie moderne. Et en 1960, l’acte anesthésique est détaché de l’acte chirurgical (K), avec un K spécifique (Kar).
En 1947, l’Article 42 (devenu 45 en 1955) du Conseil de l’Ordre des médecins précise que « le chirurgien a le droit de choisir ses aides opératoires, ainsi que l’anesthésiste ». En 1950, une Commission de qualification en anesthésie est créée. En 1965, un Arrêté ministériel reconnait la « Spécialité d’anesthésie », devenue en 1970 « Spécialité d’anesthésie-réanimation ». Ce n’est qu’en 1979 que l’Article 45 est supprimé laissant enfin à l’anesthésiste la responsabilité de ses actes.
En 1947, un Concours d’Assistant Hospitalier est organisé par mesure transitoire pour 15 postes à Paris. « Ce poste d’Assistant s’entend sans rémunération aucune ». L’anesthésiste travaille gratuitement le matin à l’hôpital et gagne sa vie l’après-midi en allant de clinique en clinique pour endormir ses patients.
En 1958, la réforme hospitalière de Robert Debré crée des cadres de chef de service plein-temps, mais ce n’est qu’en 1960 que l’anesthésie fait partie de la réforme avec deux corps : hospitalo-universitaire et hospitalier. Enfin l’anesthésiste pouvait vivre en exerçant à l’hôpital.
Pour les Universités, les premiers Professeurs agrégés en anesthésie-réanimation sont nommés en 1961 et c’est en 1963, que les premières nominations de Professeurs titulaires de Chaire sont faites.
Il est possible de dire qu’en 1970, la bataille de la spécialité est gagnée.
Nous ne parlons que de l’anesthésie générale, l’anesthésie locale et locorégionale est traitée dans la vitrine précédente.
L’anesthésie générale moderne comporte trois catégories de produits : les hypnotiques, les analgésiques et les curares. Les techniques ont évolué en fonction de la découverte de nouveaux produits et des théories physiologiques.
Le thiopental (Penthotal®) est le premier hypnotique de choix jusqu’en 1970.
De 1956 à 1987, 22 produits différents sont créés qui ont eu une utilisation plus ou moins longues. Actuellement seuls 5 à 6 produits sont utilisés. Les anesthésiques volatils sont en train d’être supprimés pour des raisons écologiques.
La morphine et la péthidine (Dolosal®) sont employées jusqu’en 1956. Puis l’arrivée progressive de sept nouveaux produits changent les façons d’anesthésier. Le rémifentanil dernier produit, date de 1994, est d’action très courte et injecté en continu.
La première utilisation de curares en anesthésie date de 1942 (Griffith, Canada). Le curare assure un relâchement musculaire qui facilite l’acte chirurgical. Tout usage de curare nécessite une ventilation artificielle. La curarisation est surveillée par un stimulateur de nerf.
Avant 1965, la surveillance était seulement clinique : pouls, pression artérielle manuelle, respiratoire (fréquence, auscultation, couleur du visage), réflexes cornéen et pupillaire.
À partir de 1965, le monitorage a permis de détecter les problèmes infracliniques et d’éviter la survenue des accidents. Le tableau de la vitrine résume l’arrivée des différents moniteurs.
Quelques chiffres, si le nombre d’anesthésies en France était autour de 2 millions en 1970, il est évalué par la Sécurité Sociale à 13 millions en 2022 avec une population qui est plus âgée, atteinte de pathologies plus nombreuses. Le nombre d’anesthésistes-réanimateurs passe de 169 en 1960 à 9 930 en 2022.
Les décès peropératoires imputables à l’anesthésie sont devenus plus rares : 4 pour 10 000 en 1960, 1 pour 10 000 selon l’enquête 3 jours en anesthésie de l’Inserm et 1 pour 300 000 selon l’enquête mortalité SFAR/Inserm de 2 000.
Cette amélioration est due à la qualité de l’anesthésie et à la parution en décembre 1994 du Décret sécurité en anesthésie obligeant à examiner le patient en consultation plus de 24h avant l’intervention et dans les 24 heures avant l’intervention, à avoir un matériel adapté avec des appareils de surveillance en peropératoire et surtout à rendre obligatoire le passage en salle de réveil tant que le patient n’a pas retrouvé son autonomie.
Actuellement on estime la sécurité entre 1 décès sur 500 000 anesthésies à 1 sur 1 000 000 anesthésies.
Dans cette vitrine vous avez quelques-uns des premiers appareils d’anesthésie inventés en France.
Il manque l’appareil de Charrière car il fait partie d’une autre exposition au Musée de l’AP-HP ; sa brochure conservée à la Bibliothèque universitaire est exposée ici.
Tous les fabricants des grandes villes de France (Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Toulon), ont créé leurs appareils d’anesthésie en France dès 1847. L’arrivée du chloroforme va compléter la série de modèles.
Comme nous l’avons vu dans la vitrine des débuts de l’anesthésie, différents masques seront utilisés. Pour remplacer les masques, la technique du cornet est très employée par les armées et la marine notamment pendant la guerre de Crimée (1853-1856).
La première vraie innovation en France remonte à 1885 avec l’arrivée de la Machine de Raphaël Dubois, celle-ci permettait de titrer les dosages de chloroforme pendant l’anesthésie.
Partant des travaux de Paul Bert (recherches des concentrations efficaces et des concentrations mortelles pour l’éther et le chloroforme) Dubois construit un appareil qui mélange automatiquement le chloroforme et l’air à des concentrations fixes, ainsi l’anesthésiste fait varier ces concentrations sans dépasser les concentrations mortelles. À cette époque, cette technique a été très critiquée car le matériel était trop encombrant pour les chirurgiens. Elle ne sera comprise qu’au début du XXe siècle.
À partir de 1900, les appareils changent et délivrent des concentrations réglables.
En 1902, Braun invente un appareil le Narko® qui associe l’éther et le chloroforme.
En 1908, le Pr. Nélaton demande à son adjoint Louis Ombrédanne de construire un appareil qui permet l’administration de l’éther en toute sécurité.. Il le conçoit avec son chauffeur, son prototype est dans cette vitrine,
il y manque la boite de bonbon anglais qui contenait l’étoupe sur laquelle était versé l’éther. Il fait réaliser son appareil par la maison Collin (Paris). Tous ces appareils sont numérotés.
Son utilisation est simple en faisant varier un curseur, la concentration d’éther varie : au niveau zéro le patient ne respire que l’air et son gaz carbonique expiré, au niveau 8 il ne respire que de l’éther et son air expiré. Il a apporté une certaine sécurité mais a empêché la médicalisation de l’anesthésie en France. Cet appareil a eu un succès mondial considérable puisque plus de 70 000 appareils ont été vendus. Il a été employé jusqu’en 1970 dans le monde !!
Plusieurs autres appareils à réglage de concentrations sont créés : en 1913 l’appareil de Ricard pour le chloroforme ; en 1920 l’appareil de Dupuy de Frenelle qui permet d’associer trois gaz (éther, chloroforme et chlorure d’éthyle) ; l’appareil de Dufaut (1922) à deux gaz et bien d’autres.
L’arrivée du cyclopropane, très explosif, oblige à se servir d’appareils à réinhalation des gaz expirés avec absorbeur du gaz carbonique par de la chaux sodée. Ce matériel n’a été utilisé en France qu’après 1940.
En 1759, découverte du chlorure d’éthyle par le chimiste François Rouelle, mais il n’a vraiment été fabriqué qu’à partir de 1801 pour les études scientifiques.
En 1847, Marie-Jean-Pierre Flourens fait les premières études sur le chien. En 1890, Camille Redard de Genève l’utilise en anesthésie locale par réfrigération en raison de sa volatilité. En 1894, H. Carlson redécouvre ses propriétés d’anesthésique général.
Il agit donc en anesthésie locale par réfrigération et en anesthésie générale par inhalation. Le chlorure d’éthyle est un anesthésique volatil à action très courte, il a été très utilisé tant à l’hôpital qu’à domicile pour les accouchements, l’ablation des amygdales, les avulsions dentaires et les gestes courts.
A partir de 1892, le Dr Bengué, la Société chimique des usines du Rhône des Dr. Gilliart, Monnet, Cartier (kélène), le Dr Henning (Chloraethyl), la Woolwich Elliott Chimical Company de Sydney ont développé les conditionnements pour les anesthésies locales.
Les ampoules ou flacons pour anesthésies générales ont été fabriquées par la Société chimique des usines du Rhône (kélène), le laboratoire américain Squibb, l’Union chimique belge (chlorène), la Woolwich Elliott Chimical Company de Sydney. Ces ampoules ou flacons pouvaient être versés sur une compresse ou pouvaient alimenter un appareil d’anesthésie. Vous avez dans cette vitrine les appareils utilisés en chirurgie courte et en chirurgie dentaire.
Pour la petite histoire, le chlorure d’éthyle a aussi été utilisé comme vecteur dans les lances parfum du Carnaval de Rio pendant près de 70 ans. Ils ont été interdits en 1961 en raison des pertes de connaissances qu’ils provoquaient !
En 1960, l’arrivée de nouveaux agents anesthésiques halogénés a conduit à l’abandon d’anciens agents tels que l’éther, le chloroforme, le chlorure d’éthyle et le cyclopropane au cours des années suivantes.
La machine Fluoxair (1967) était un appareil compact, portable et autonome à circuit ouvert permettant l’administration d’halothane, d’air et d’oxygène.
Le patient pouvait soit respirer spontanément, soit bénéficier d’une ventilation assistée manuelle à l’aide d’un ballon. Sur le plan commercial, l’appareil pouvait être adapté pour être utilisé avec du chloroforme.
La machine originale, construite par la société britannique Cyprane Ltd, était distribuée par la société LSA en France, qui n’existe plus.
Créé initialement pour l’armée, ce système d’anesthésie portable pouvait être utilisé en circuit fermé ou ouvert, avec des bouteilles d’air ou de gaz. La pièce présentée ici est le modèle portable avec un absorbeur de CO2, un vaporisateur, de l’oxygène, du protoxyde d’azote et du cyclopropane. Les organigrammes des différents circuits sont également présentés.
Rosenstiel - Pesty - Richard - un ventilateur à pause réglable. RPR, le sigle qui a ventilé la France pendant plus de 30 ans.
En 1956, Raymond Pesty reprend une invention de Rosenstiel et réalise le ventilateur RPR, avec les conseils du professeur Maurice Cara. L’appareil est fabriqué par la société Richard. Les deux premiers modèles apparaissent en 1956 et 1957.
En 1962 apparaît la version définitive, le RPR 3.
Le RPR est un appareil pneumatique à volume préréglé, alimenté par de l’oxygène comprimé, du protoxyde d’azote ou de l’air.
La simple idée d’un volume préréglé révèle la complexité de l’appareil. La fréquence et le rapport inspiration/expiration dépendaient du débit de gaz frais, du volume courant réglé et de la résistance des voies respiratoires.
La commande était réglée par un dispositif ressemblant à un boulier. La surveillance de la fonction n’était assurée que par un manomètre et un spiromètre.
L’observation clinique était donc toujours essentielle, en particulier pendant le transport des patients dépendants d’un ventilateur et pendant l’anesthésie.
Le RPR a été beaucoup utilisé en réanimation pédiatrique sous la forme d’une version pédiatrique, le RPRN.
La version anesthésique comportait un vaporisateur dans le circuit.
Le RPR a été largement utilisé dans les blocs opératoires en France jusqu’au début des années 1990.
Par la suite, il a continué à être utilisé dans la pratique vétérinaire.
Les découvreurs de l’oxygène sont : Carl Wilhelm Scheele en 1772 qu’il appela « air du feu », Joseph Priestley en 1774 avec la théorie de « l’air déphlogistiqué » (phlogiston du grec inflammable, consumé par la flamme) qui sera rectifiée par Antoine Laurent Lavoisier qui identifie l’oxygène et ses propriétés et lui donne son nom en 1777 : « générateur d’acide » ou « oxy-gène » (dérivé du grec qui engendre l’acide).
Dès 1783, il a été employé en clinique pour des insuffisances respiratoires et a été étudié au Pneumatic Institute de Bristol (1799-1802). Ces utilisations sont sporadiques et le plus souvent inefficaces.
En 1837, il est inscrit à la pharmacopée française et c’est en 1866 que Jean Nicolas Demarquay, chirurgien fait construire des réservoirs pour administrer l’oxygène. Stanislas Limousin, pharmacien le suit et est reconnu pour être le père de l’oxygénothérapie avec une préparation de l’oxygène au lit du malade. Les prescriptions de l’époque sont d’inhaler 5 à 10 litres d’oxygène deux fois par jour !
Dès 1877, la découverte de la liquéfaction de l’oxygène va permettre de le transporter facilement, mais c’est employé essentiellement pour l’industrie. Les grandes compagnies nationales de distributions de gaz comprimés naissent vers 1900.
En 1900, les générateurs d’oxygène « naissant » sont inventés, le bioxyde de sodium associé à de l’eau libère de l’oxygène. Ce qui a permis l’essor industriel de l’Oxylithe® par Jaubert. Ces techniques servent non seulement en médecine mais aussi pour les sous-marins et pendant la guerre de 14/18 pour le traitements des gazés.
Des utilisations aberrantes de l’oxygène ont vu le jour dans les années 1920 : oxygène par voie sous-cutanée ou intraveineuse dont vous avez quelques exemples d’appareils dans cette vitrine : ampoule d’oxygène, appareil du Dr Bayeux …
Ce n’est qu’à partir de 1917 que John Scott Haldane expose les principes modernes de l’oxygénothérapie : « l’oxygénothérapie en intermittent est comme amener un noyé à la surface de l’eau de temps à autre ». Elle évoluera vers nos pratiques actuelles.
L’oxygénothérapie en anesthésie-réanimation commence à être employée vers les années 1900 mais elle ne sera systématique qu’après 1940.
Le 19 janvier 1847, James Young Simpson , un obstétricien renommé d’Édimbourg, en Écosse, utilise pour la première fois de l’éther pour faciliter une manipulation lors d’un accouchement. Quelques mois plus tard, le 20 octobre 1847, il réalise un accouchement à l’aide de chloroforme. Des rapports similaires ont été présentés en février 1847 à l’Académie de médecine de Paris.
Pendant longtemps, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France, l’utilisation d’anesthésiques pour soulager la douleur pendant l’accouchement est restée très controversée. Le dicton du livre de la Genèse « tu naîtras dans la douleur » a toujours été la réponse de ceux qui s’opposaient à l’utilisation de l’éther, soit par dogme, soit par conviction religieuse.
Lentement, cependant, la plupart d’entre eux ont fini par comprendre la valeur de petites doses de chloroforme pour soulager la douleur pendant l’accouchement. La décision de la reine Victoria de recevoir de petites doses de chloroforme lors de la naissance de son huitième enfant, le 7 avril 1853, a conduit John Snow à appeler cette technique « l’anesthésie de la reine ».
L’utilisation du chloroforme s’est poursuivie pendant longtemps avant d’être remplacée par le protoxyde d’azote en 1930 - un agent longtemps connu sous le nom de « gaz hilarant » qui comportait un risque sérieux d’hypoxie s’il était utilisé seul. Ce n’est qu’en 1940 qu’un mélange fiable et sûr de ce gaz avec de l’oxygène est devenu disponible. Ce mélange est encore utilisé aujourd’hui dans les maternités sous le nom d’Entonox® ou de MEOPA®.
Les techniques d’anesthésie mixte sont connues depuis l’époque de Claude Bernard , qui cherchait à produire un « sommeil crépusculaire » en utilisant des injections sous-cutanées de morphine et de scopolamine et, plus tard, de barbituriques à petites doses, considérées comme moins dangereuses pour la mère et l’enfant. Les années 1930 voient le renouveau des méthodes dites « naturelles » de soulagement de la douleur (ou méthodes psychoprophylactiques), basées sur le contrôle de la respiration, la variation des positions et l’utilisation de médicaments antispasmodiques. Mais ces techniques ont rapidement montré leurs limites.
Parallèlement, le concept d’auto-anesthésie obstétricale a été développé, la mère inhalant du trilène ou du méthoxyflurane par l’intermédiaire d’un inhalateur Trilène ou Cyprane, deux appareils légers tenus à la main.
Vers 1970, des appareils similaires (le Penthrane oxylator et le Penthrane analgiser) étaient disponibles pour administrer le Penthrane à la demande. Dans l’ensemble, les résultats étaient mitigés, avec un risque permanent de perte de conscience.
A partir de 1980, l’anesthésie péridurale sera progressivement adoptée pour l’analgésie du travail dans toutes les maternités de France.
Le vaporisateur Oxford a été conçu à l’origine par les anesthésistes britanniques Robert W. Macintosh et H.G. Epstein.
L’objectif de l’appareil était de produire une concentration constante et fiable d’éther. Pour ce faire, il fallait s’assurer que l’éther était toujours maintenu à une température constante inférieure à son point d’ébullition.
Le vaporisateur se composait de trois chambres concentriques. La chambre centrale contenait de l’eau chaude, celle du milieu du chlorure de calcium anhydre et celle de l’extérieur de l’éther. L’eau chaude versée dans la chambre centrale alimentait le chlorure de calcium qui se dissolvait en produisant la source constante de chaleur latente nécessaire à la vaporisation de l’éther dans la chambre extérieure pendant environ une heure. Après avoir rempli à nouveau la chambre d’eau, la source de chaleur pouvait être rapidement rétablie.
Conçu en 1941 pour être utilisé en temps de guerre, l’inhalateur Oxford était un appareil extrêmement pratique qui ne nécessitait que l’ajout d’eau chaude. Extrêmement portable et compact, il a été utilisé par l’armée britannique tout au long de la Seconde Guerre mondiale.
La curarisation est, avec la narcose et l’analgésie, constitutive de l’anesthésie moderne. Les curares sont connus depuis l’époque des grands voyages en Amérique du Sud ; ils ont été scientifiquement étudiés en Occident dès la fin du XVIIIe siècle, utilisés en médecine à partir de 1850, mais ce n’est qu’un siècle plus tard qu’on eut l’idée de les employer au cours d’une anesthésie générale.
Claude Bernard , a marqué l’histoire du curare, avec ses découvertes sur son action paralysante. Alfred Vulpian a précisé son action au niveau de la jonction neuro-musculaire.
L’utilisation du curare est rare en médecine jusqu’en 1942 car le curare est non purifié et difficile à doser. Il a permis de traiter quelques patients atteints de tétanos.
En 1942, le Canadien H.-R. Griffith, sollicité par la firme pharmaceutique Squibb, employa l’Intocostrine®, au cours d’une anesthésie générale et publia ses résultats après 25 cas. La nouvelle se répandit rapidement et, en Angleterre comme en Amérique, le curare devint bientôt un des éléments indispensables de l’anesthésie. La paralysie musculaire induite par le curare nécessite une ventilation artificielle.
Vous avez dans cette vitrine quelques plantes dont est extrait le curare : curare en calebasse, curare en pot, curare en tube et même le curare soi-disant utilisé par Claude Bernard .
Les curares actuellement utilisés sont des molécules de synthèse. L’utilisation moderne du curare nécessite un monitorage pour contrôler la curarisation durant l’intervention et au réveil pour vérifier sa fin d’action.
Assurer la ventilation pendant l’anesthésie a été une obsession dès le début de l’anesthésie.
Le contrôle de la chute de la langue en arrière lors de la perte de conscience a fait multiplier les ouvre-bouches et les tire-langues de 1847 à 1920.
Les canules oropharyngées datent du début du XXe siècle (Hewitt 1908, Connell 1913, Lumbard 1915, Miller 1918 et Guedel 1933). Actuellement les canules sont toujours des copies de celle de Guedel et seuls les matériaux ont changé.
La trachéotomie est une technique décrite depuis l’Antiquité, elle était appliquée dans de rares cas d’asphyxies aiguës obstructives. Elle s’est développée pour le traitement de la laryngite diphtérique (croup) au XIXe siècle. Elle est utilisée pour la ventilation artificielle en réanimation.
L’intubation trachéale a été utilisée pour la réanimation des nouveau-nés dès le début du XIXe siècle par P. Desault, F. Chaussier J. Depaul et A. Ribemont. Le tubage de la glotte a été inventé par E. Bouchut lors d’une épidémie de diphtérie (1858) mais il a été contesté par ses pairs, J. O’Dwyer a repris sa technique avec succès en 1896 en l’améliorant. Les progrès de l’intubation viendront avec l’invention des laryngoscopes par Chevalier Jackson qui permettent facilement de voir la glotte et d’introduire un tube trachéal avec ou sans ballonnet. Les modèles se perfectionneront ensuite.
L’utilisation de l’intubation trachéale est devenue systématique en anesthésie et en réanimation pour l’assistance ventilatoire.
Le masque laryngé, dispositif supra-glottique, développé dans les années 1980 élimine certains inconvénients de l’intubation trachéale.
Les premières seringues médicales sont apparues simultanément en 1853 en Écosse avec Alexander Wood et en France avec Charles Pravaz . La seringue de Pravaz va avoir un énorme succès en France, d’abord pour les injections sous-cutanées puis pour les injections intraveineuses. Le fabricant Charrière l’améliore et surtout invente l’aiguille creuse taillée en biseau.
La seringue moderne est réalisée en verre en 1894 par Fournier, un souffleur de verre français. Enfin, les seringues peuvent être stérilisées mais l’interchangeabilité piston/corps de seringue ne devient possible qu’en 1930. Les raccords de seringue/aiguille à 6% (raccord Luer) seront retenus vers 1900 par Becton-Dickinson et deviendront bien plus tard la norme mondiale.
Les seringues à usage unique en polyamide naissent après la deuxième Guerre Mondiale, elles ne seront vraiment généralisées que dans les années 1970.
De multiples aiguilles ont été inventées pour différents usages : sous-cutanées, intramusculaires, intraveineuses, à embouts olivaires pour les dénudations, épicrâniennes pour les enfants (1965) … Vous en avez ici quelques exemples.
Il s’agit d’abord de tulipes en verre avec couvercles qui étaient remplies avec un soluté que l’on faisait stériliser. Puis il y eut des ampoules de verre préremplies jusqu’en 1940. Les flacons de perfusion en verre remplis sous vide (licence Baxter 1935) ne seront utilisés en France qu’après 1946 et enfin les poches plastiques actuelles datent des années 1980.
Les tubulures étaient d’abord en caoutchouc et re-stérilisables, puis à usage unique.
La précision et la sécurité des perfusions et des injections se sont améliorées par la mise au point d’appareils de perfusion ou de pousse-seringues qui permettent d’injecter tous les médicaments dans toutes les indications.
Les vaporisateurs, sont conçus pour assurer le passage d’un agent anesthésique de son état liquide à son état de vapeur. De plus ils délivrent les vapeurs de l’anesthésique volatil à des concentrations réglables.
Les vaporisateurs ont d’abord été conçus pour l’éther et le chloroforme. Les premiers sont à simple léchage du liquide anesthésique (1), puis à partir de 1917 Henry E. G. Boyle conçoit les évaporateurs à barbotage ou à bulles en flacon de verre (2), puis métallique (3) vers 1930. Ils seront utilisables que pour un seul anesthésique : éther puis chloroforme et enfin halogénés à partir de 1960 (4). Mais rapidement les évaporateurs évoluent pour être plus précis en prenant en compte le refroidissement dû à l’évaporation des halogénés (5). Chaque halogéné aura son vaporisateur spécifique.
1 Vaporisateur à léchage ;
2 Vaporisateur à barbotage en verre de Boyle ;
3 Vaporisateur à barbotage métallique ;
4 Vaporisateur à barbotage pour halothane en verre ;
5 Vaporisateur à halothane Fluotec Cyprane Ltd
Le Pulmotor est le premier respirateur mondial de premier secours. Il a été inventé par Johann Heinrich Dräger (1847-1917) en 1907. Il a été amélioré par son fils Bernhard et son ingénieur Hans Schröder. Il est commercialisé en 1908 et a eu immédiatement un grand succès auprès des organismes de secours et du public. Il permettait une ventilation artificielle automatique : dès que la pression inspiratoire choisie était atteinte, il se mettait en expiration et reprenait l’inspiration quand la pression du circuit était à - 20 cmH2O. Décrié par certains physiologistes, il a cependant été utilisé jusque dans les années 1960.
À la demande de médecins obstétriciens américains, Dräger conçoit un appareil pour réanimer les nouveau-nés mort-nés. Testé aux États-Unis et en Allemagne, les premiers résultats publiés en 1913 étaient prometteurs, mais peu de publications sont parues ensuite. Ce respirateur est semi-automatique, l’inversion inspiration/expiration se fait manuellement.
A ce niveau, des vitrines du Musée qui se rapportent à l’anesthésie-réanimation.
Devant la première vitrine se trouve l’appareil de Carl Friedrich Wilhelm Ludwig (1816-1895) qui a permis les premières mesures physiologiques de pression artérielle par dénudation chirurgicale de l’artère.
Dans la première vitrine se trouve les appareils de mesure de Jules Marey (1830-1904) qui est l’ancêtre du monitorage per-opératoire : sphygmographe, polygraphe 2 voies …
Une vitrine est consacrée à la transfusion avec des appareils du XIXe siècle : appareils du Dr Roussel (1877-1883), et des appareils de transfusion :
1. Seringue de Louis Jubé pour transfusion bras à bras (1924) ;
2. Transfuseur de Tzanck pour transfusion bras à bras (1934) ;
3. Appareil de Henry et Jouvelet (1934) pour transfusion bras à bras, cet appareil servira comme accélérateur de perfusion ou de transfusion jusque dans les années 1970.
Une vitrine montre les appareils de pression artérielle avec un des premiers enregistreurs portables de pression artérielle.
Du lundi au samedi (fermeture le jeudi) ;
De 14h à 17h30 (dernière entrée à 17h) ;
Fermé les jours fériés.
UFR de Médecine
12 rue de l’École de Médecine, 75006 Paris
Au deuxième étage du siège de l’université Paris Cité, dans une salle construite en 1905, se trouve le Musée d’Histoire de la Médecine.
Ligne 4 : station Odeon
Ligne 10 : station Cluny
Vestiaire : oui
Photo autorisée oui
Direction générale des Bibliothèques et des Musées de l’Université Paris Cité
Club de l’Histoire de l‘Anesthésie et de la Réanimation
Société Française d’Anesthésie et de Réanimation
Université Paris Cité : Christophe Pérales, directeur, Agathe Sanjuan, Andréa Barbe-Hulmann, Stéphanie Charreaux, Lucie Fléjou, Sonja Poncet, Agnès Sandras, Marina Zborowski. Le Club de l’Histoire de l’Anesthésie et de la Réanimation : Dominique Simon, président. Société Française d’Anesthésie et de Réanimation : Jean-Michel Constantin, président. Le Comité scientifique : David Baker, Jean-Bernard Cazalaà, Louis-Jean Dupré, Jean-Pierre Haberer, Jacques Hotton, Frédérique Servin, Dominique Simon. Les prêteurs : Musée de l’Histoire de la Médecine de Paris, Collection Pierre Viars (Département d’Anesthésie-Réanimation du CHU Pitié-Salpêtrière), Bibliothèques BIU-Santé Université Paris Cité, Société Française d’Anesthésie et de Réanimation, Musée François Tillequin (Faculté de pharmacie de Paris), Musée du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens, Dräger France, Musée dentaire de Lyon (Faculté d’odontologie). Collections privées : Jean-Bernard Cazalaà, Louis-Jean Dupré, Jacques Hotton Conception diffusion numérique : William Fourché.