Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

Houzel (Appareil dosimétrique de)

  mise en ligne : mercredi 12 mars 2008




Appareil dosimétrique à chlorure d’éthyle et à anesthésies combinées.Par le Dr Gaston Houzel  
Présenté à la Société de Chirurgie par M. le Professeur QUENU,
Bulletin de la Société de chirurgie N°4 du 4 février 1919

Dans la séance du 29 janvier 1919, notre maître, le professeur Quénu, nous faisait l’honneur de présenter à la Société de Chirurgie un appareil dosimétrique à chlorure d’éthyle permettant , par un procédé de goutte à goutte parfaitement réglable, de pratiquer des anesthésies de longue durée. A la date de ce rapport écrit, le dispositif que nous avions fait construire par la maison Guyot, après plus de six mois d’essais, avait fait ses preuves dans le Service de la clinique chirurgicale de l’hôpital Cochin et rendu d’immenses services pour les interventions sur les blessés de la dernière année de guerre. Depuis un an, cet appareil a conquis les faveurs, non seulement des spécialistes des oreilles, nez et gorge, mais encore et surtout des chirurgiens qui l’ont adjoint à leur matériel anesthésique courant. Aujourd’hui la description de l’appareil ne répond plus à celle du modèle primitif, car nous avons modifié certaines parties du dispositif pour rendre le débit plus régulier et le mode d’emploi plus facile. Instruit, par l’usage presque quotidien que nous en faisons, des défectuosités que présentait notre premier appareil, nous l’avons amélioré et c’est encore à l’usage que nous avons, depuis 3 mois, demandé si notre transformation était avantageuse. La réponse n’est pas douteuse et nous pouvons de nouveau appeler l’attention du public médical sur un mode d’anesthésie au Kélène qui est véritablement parfait par son innocuité absolue et sa facilité d’application grâce à notre appareil dosimétrique indéréglable.


Description de l’appareil

Sur la convexité d’un masque américain courant, gros comme un poing, se trouve quatre modifications :
 1° D’un côté, une soupape à l’expiration d’air réglable par un pas de vis qui, bien serré, bloque hermétiquement ;

 2° Au milieu, le branchement d’un réservoir à air confiné. Ce " rebreathing ", analogue à celui de l’Ombrédanne et du Camus, est facultatif, car une éclipse, maniable au doigt, ouvre ou ferme la communication avec la vessie ;

 3° L’appareil doseur de Kélène. Le robinet doseur est composé d’un cône allongé présentant un petit orifice latéral communicant, à son extrémité, avec la lumière centrale du dit cône. Actionné par un pas de vis muni d’une presse à étoupe, ce robinet, lorsqu’on l’ouvre en desserrant le pas de vis, met en rapport son orifice d’écoulement avec un tube qui engaine sa pointe et qui est fendu dans toute sa longueur. Ce dispositif permet de régler avec douceur et surtout régularité parfaite le débit à la goutte.
Ce robinet est actionné par une molette horizontale dévissant le cône. Cette molette porte en son centre un pas de vis femelle qui permet de visser les ampoules de 10 ou 30 centimètres cubes. L’étanchéité est assurée par une rondelle de caoutchouc ;

 4° enfin, l’on trouve encore sur le masque, para médiane, une soupape d’aspiration se terminant par un tube coudé débouchant dans la chambre d’évaporation des gaz pour, de là , étre absorbé par le sujet. Cette soupape supplémentaire, dont l’idée revient à notre collègue et ami Houdard, n’est utilisée que pour l’anesthésie au chloroforme.

Les gouttes, quel que soit l’anesthésique, arrivent en goutte à goutte sur un feutre contenu par une téte de champignon renversé qui empéche qu’elles ne tombent sur le visage du sujet.

Le débit de l’appareil est contrôlable grâce à un regard en verre que l’anesthésiste a toujours devant les yeux.

Ce dispositif, pour les anesthésies intégrales au chlorure d’éthyle, est complet de la sorte. Si l’on veut pratiquer une narcose combinée, il suffit d’utiliser un flacon de 45 grammes qui se trouve dans la boite et qui, lui, contiendra l’anesthésique définitif(chloroforme, éther ou mélanges). Le geste consiste, une fois le sujet endormi, à adapter ce flacon sur l’appareil dosimétrique en le vissant sur lui. Le flacon est fermé par un robinet bloqueur vertical qu’il faut légèrement dévisser pour obtenir l’écoulement.

Gaston Houzel   Boulogne sur mer
E. Guyot Constructeur

344, rue Saint Jacques - Paris.

MODE D’EMPLOI

 1° Pour l’anesthésie au chlorure d’éthyle
Fermer les soupapes à air et ouvrir le " rebreathing ". au commencement, le débit doit étre accéléré et le jeu de dévissage de la molette doit fournir environ deux gouttes à la seconde. Très rapidement, au premier ronflement (signe constant et infaillible du sommeil), ramener la cadence à moins de 60 à la minute et ne jamais oublier qu’une fois l’anesthésie obtenue on a toujours tendance à donner de quantités de Kélène trop fortes. Le sommeil est acquis sans un geste de défense de l’intéressé qui s’endort dans un calme étonnant. Il faut maintenir la ration à la dose analgésique et non anesthésique.

 2° Pour les anesthésies combinées
Le mode d’emploi reste aussi facile ; c’est une simple question de jeu du "rebreathing" avec dévissage des deux soupapes à air. Pour le chloroforme, par exemple, on ferme l’éclipse de communication avec la vessie et l’on ouvre l’arrivée et la sortie de l’air.

Cet appareil est simple, petit et robuste. Il est étanche, ce qui n’est pas une mince qualité lorsqu’il s’agit de dompter un liquide aussi insupportable à manier que le chlorure d’éthyle. Il nous paraît surtout présenter deux grand avantages sur les appareils visant au méme but : il est contrôlable, puisqu’au lieu d’étre gazéifié d’emblée comme dans certains dispositifs, le " Doséthyleur ", par exemple, le chlorure d’éthyle fait contrôler la chute de ses gouttes à un regard de verre ou l’anesthésiste peut, montre en main et quelle que soit la position de la téte, s’assurer du débit dans le temps. D’autre part, il permet les anesthésies combinées sans qu’il soit nécessaire d’enlever le masque du visage du patient.

Pour le rendre absolument pratique et en faire l’auxiliaire précieux de tous les médecins dans les actes de la petite chirurgie journalière, nous avons, avant tout, pris comme modèle d’ampoules, les petits tubes de Kélène à anesthésie locale fabriqués par les Usines du Rhône et que l’on trouve dans toutes les pharmacies. Dans ces conditions, notre dispositif se libérait de ces conditionnements spéciaux, coà »teux et limités aux grands centres qui sont la condamnation de certains appareils.

Mise au courant de l’utilisation nouvelle que nous faisions de ses produits, l’importante maison des Usines du Rhône a bien voulu nous préter son concours et met depuis peu en circulation des ampoules de 30 centimètres cubes graduées, à pas de vis s’adaptant à notre goutte à goutte, et permettant de la sorte des anesthésies de très longue durée au Kélène.

Reste la question préjudicielle. Le kélène est-il à recommander comme agent d’anesthésie générale au point de lui construire des appareils spéciaux ? Quoi qu’en puissent prétendre certaines déductions toutes théoriques basées surtout sur la chute de tension artérielle qu’il provoque plus qu’un autre et plus brutalement, il est certain qu’au point de vue pratique le Kélène est un anesthésique parfait et absolument inoffensif. Une longue expérience, née de la guerre, nous a prouvé, comme à tous ceux qui s’en sont servis (Savariaud, Cazin, Venot€¦) que le Kélène administré à petites doses est, comme l’avait soutenu il y a quelques années Malherbe (de Nantes), un agent anesthésique souple à manier, docile et inoffensif. Avec notre appareil, on instille l’anesthésique au gré de l’acte opératoire ; en quelques gouttes on passe de l’excitation du réveil au sommeil le plus profond, et ce mode d’anesthésie par intermittences, à la demande du chirurgien  , est un jeu qui ne donne aucun mécompte, méme sur un opéré de spécialité endormi dans les bras d’un aide. Nous avons mis cet appareil entre les mains de bien des médecins qui l’utilisaient pour la première fois et, tout en surveillant de loin le débit, nous n’avons jamais eu la moindre alerte. Un point sur lequel il convient d’insister est la nécessité de tenir le sujet à jeun avant l’opération ; s’il a l’estomac plein la dose nécessaire pour l’endormir sera beaucoup plus considérable et la qualité du sommeil sera, elle aussi, différente.

Quant à la supériorité de cette administration à doses " filées " sur la technique de la strangulation par gazéification massive, nous n’y reviendrons pas. La question est jugée depuis longtemps.

Sidérer un individu par quelques gouttes de Kélène, faire dans la tranquillité d’esprit la plus complète son intervention chirurgicale, remettre le sujet sur pied quelques minutes après le dernier geste opératoire, voilà bien des avantages qui donnent au chlorure d’éthyle manié au goutte à goutte une place exceptionnelle dans la liste des anesthésiques employés de nos jours. Il nous a semblé intéressant d’en vulgariser l’emploi en matérialisant par notre appareil une idée de dosimétrie qui est la seule garantie de sécurité absolue.

Gaston Houzel   Boulogne sur mer
E. Guyot Constructeur

344, rue Saint Jacques - Paris.