Je vous recommanderais particulièrement celle de la société britannique à Londres, et de la société argentine, pour ceux qui auront la chance de participer l’an prochain au congrès mondial du 25 au 30 mars 2012, à Buenos-Aires. Parmi les musées les plus intéressants, il faut citer le musée de Bonn, en Allemagne, présentant de nombreux objets préservés grâce à la ténacité de Horst Stoeckel. Quelques collègues se sont efforcés également en France de sauvegarder ces témoins de l’histoire de nos hôpitaux et de notre spécialité sans avoir toujours la chance de pouvoir les exposer de façon permanente, faute de locaux adaptés. Il suffit de prononcer le mot « musée » pour voir aussitôt les responsables institutionnels se boucher les oreilles. La phraséologie moderne possède heureusement des alternatives moins irritantes, voire séduisantes, telles que « Cité de la Santé ». La conjecture économique actuelle ne se préte guère à la création de ces structures qui ne sont pas véritablement des priorités pour les décideurs, et très récemment nous avons vu que de vénérables institutions, comme le Musée de l’Assistance Publique de Paris, n’étaient pas à l’abri d’une disparition.
Quels sont les arguments que l’on peut développer pour convaincre de l’intérét, non seulement de préserver le patrimoine hospitalier, mais aussi de le montrer ?
Ce souci de préservation n’est pas le propre des hôpitaux et de nombreuses activités artisanales ou industrielles (musées de la mine, de l’automobile, de la dentelle€¦.) font l’objet de musées permettant de garder des traditions et des témoins du passé. Certains y voient un devoir de mémoire, mais il faut sans doute tirer du passé des enseignements pour comprendre et bâtir l’avenir. La nostalgie ne suffirait pas à justifier les investissements nécessaires en temps et en argent pour oeuvrer à la conservation de tels patrimoines. Ces associations qui se sont constituées pour sauvegarder et valoriser ces témoins du passé rassemblent des bénévoles passionnés et dévoués, sans lesquels ils disparaitraient inexorablement. Pour quelques objets sauvés, combien ont fini à la décharge ? Dans notre spécialité qui est encore jeune, méme si la première anesthésie remonte à plus de 150 ans et les premiers respirateurs à plus d’un siècle, il ne faut pas hésiter à conserver des appareils qui servaient hier encore au bloc opératoire ou en réanimation. C’est lorsqu’ils sont mis en réforme qu’il faut garder les appareils car il est aléatoire d’attendre pour les retrouver au fond d’une cave ou d’un grenier. Entre temps ils se sont dégradés alors qu’une conservation immédiate permets de les garder quasiment en ordre de fonctionnement avec tous leurs accessoires. Il est sans doute plus naturel de s’intéresser à l’histoire de la médecine quand on est retraité plutôt que lorsque l’on est interne, mais les internes nous sauront gré d’avoir conservé les témoins de leur temps lorsqu’ils seront retraités.
La mémoire a besoin d’objets pour matérialiser ses souvenirs [1]
mais la préservation du passé nécessite aussi que l’on se souvienne de l’histoire d’une discipline et des hommes qui l’ont faite. Les pionniers nous ont déjà quittés mais la génération de ceux qui les ont connus est encore là pour raconter l’épopée des débuts de l’anesthésie-réanimation. Il serait regrettable que cette mémoire vivante disparaisse et le travail d’une Marie-Thérèse Cousin ne doit pas rester isolé. Il y a quelques années, la Société américaine d’anesthésiologie avait entrepris d’interviewer systématiquement tous les témoins d’une époque vouée à disparaître. Il serait grand temps de faire quelque chose de semblable en France où contrairement à l’Angleterre nous n’avons pas le culte des ancétres.
La sauvegarde d’objets et de matériels est loin de résumer le travail de mémoire qui doit étre fait
par les associations d’histoire de la médecine et de l’anesthésie. L’organisation de visites commentées d’établissements hospitaliers, l’installation d’expositions temporaires à l’occasion de congrès ou de manifestations locales, la création de lieux de mémoire dans les hôpitaux historiques reconvertis dans des vocations plus lucratives, l’écriture d’ouvrages dédiés, la réalisation de cycles de conférences, la mise en ligne de sites internet** constituent une liste non limitative d’actions à entreprendre pour faire de la préservation du patrimoine une mémoire vive de la médecine. Cela consomme beaucoup de temps et d’énergie. La moisson est vaste et les ouvriers sont peu nombreux.
– Quelques vues d’objets présentés lors de congrès d’anesthésie-réanimation à Madrid, à Munich, à Copenhague, à Belgrade
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Philippe SCHERPEREEL