mise en ligne : mercredi 9 avril 2008
Au milieu du XIXème siècle, il était logique de penser que la découverte et la généralisation de l’anesthésie allaient donner à la chirurgie un essor formidable. Il n’en fut rien et « la période qui s’étend de 1850 à 1870 fut lamentable ». En effet, la chirurgie était grevée d’une forte mortalité due à l’infection, transmise de malade à malade, représentant le prototype même de l’infection nosocomiale.
En fait, on pensait que l’infection, plutôt l’émergence des germes, des « miasmes », était spontanée, favorisée par la promiscuité, une mauvaise hygiène et l’insalubrité de l’air ambiant. Aussi essayait-on de se soustraire à cette pollution :
Certains avaient bien eu quelques idées, comme O.W. Holmes à Boston et I. Semmelweis à Vienne. Ils préconisaient tout simplement de se laver les mains, d’avoir des habits, des instruments propres et qu’il fallait éviter de passer directement des salles d’autopsie aux salles de travail. L’absence d’observation scientifique du problème, la force des habitudes et le souci de ne pas bousculer l’ordre hiérarchique établi, firent qu’ ils ne furent pas entendus.
C’est là qu’intervint Louis Pasteur . En étudiant l’altération de la bière, il s’aperçut que la fermentation et la putréfaction étaient dues à des êtres vivants : les micro-organismes, véritables « oeuvre de vie ». De 1857 à 1864, il compléta sa démonstration par 2 expériences célèbres :
Ces conclusions eurent 2 effets :
C’est la « germ théory ». Les germes nuisibles sont dans l’air et partout où l’air peut les déposer, instruments, mains, pansements, plaies opératoires : « le chirurgien doit voir les germes dans l’atmosphère comme il voit les oiseaux dans le ciel ». Pour cela il propose de détruire ces germes grâce à germicide : l’acide phénique. De fait,celui-ci était vaporisé autour et sur le champ opératoire tout au long de l’intervention : « un spray aussi dense que le brouillard de Londres ». Les mains, les instruments, les fils de suture, les catguts, les pansements, tout étaient préalablement trempés dans l’acide phénique. Brutalement, en 1865, la mortalité de son bloc opératoire s’effondra. Il venait d’inventer l’antisepsie.
Cependant, tout n’était pas si simple. La toxicité de cet acide phénique utilisé larga manu et somme toute l’insuffisance de stérilisation rendaient la méthode pas totalement satisfaisante. Il fallu attendre 1876, pour voir son introduction en France grâce à J. L . Championnière. Entre temps, certains chirurgiens français tentèrent, parfois avec un certain succès, d’empêcher la suppuration de s’installer. Bourgade à Clermont-Ferrant, qui badigeonnait la plaie avec du perchlorure de fer, agissant comme caustique et abrasif ; Guérin à Paris qui l’isolait par un énorme pansement ouaté, et Demons à Bordeaux, qui réalisait un vrai pansement avec acide phénique, , lavage et drainage et couverture ouatée.
A partir de 1872, Pasteur repris ses travaux et découvrit les germes responsables des plus terribles infections, le staphylocoque et le streptocoque. Il inversa la théorie de Lister qui voulait que les germes n’étaient amenés par l’air mais par contact et qu’il fallait surtout éviter de les transmettre et de les détruire avant qu’ils n’atteignent la plaie opératoire. Par le lavage des mains et des instruments et la stérilisation par la chaleur de tout le matériel du chirurgien , il inventa l’asepsie. Il exposa ses idées lors d’une séance célèbre à l’Académie de Médecine le 30avril 1878 en commençant par ces propos : « si j’avais l’honneur d’être chirurgien ? ?? ». Il obtint la consécration lors d’une réception ou plutôt d’une ovation dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le 27 décembre 1892, où Lister, au nom de tout les chirurgiens lui donna l’accolade.
L’antisepsie est aussi une affaire d’Aquitains. L’hôpital de La Teste-Arcachon, en Gironde, porte le nom de Jean Hameau. Ce médecin de campagne de la 1ère moitié du XIXième fut « un précurseur de Pasteur ». Il établit la contagiosité de la morve du cheval et la transmissibilité du choléra par l’eau souillée. Il conseillait de faire bouillir l’eau avant son utilisation, de changer le linge des malades et de désinfecter les lancettes à saignées et les pansements avec de l’onguent mercuriel. Il décrivit les 3 périodes des germes, qu’il appelait « virus », la contagion, l’incubation et la multiplication. N’ayant pas les moyens de poursuivre des travaux coûteux, il s’adressa aux médecins de la société de médecine de Bordeaux en ces termes : « cherchez et vous finirez par trouver ».
Les 1ères salles d’opération aseptique en France furent créer à Lyon en 1888. A Bordeaux, ce le fut à l’occasion de la construction de l’hôpital des Enfants, route de Bayonne puis cours de l’Argonne. On y trouvait un « poupinel » ou l’autoclave de Chamberland. Le calot, le masque et le sarraut de chirurgien apparurent vers cette fin du XIXième siècle. Les gants furent trouvés par un américain, W Halsted, de NY. Pour éviter que les jolies mains de son instrumentiste ne s’abîment, il demanda à Goodyear de lui fabriquer des gants de caoutchouc ? ?? Mais c’est le français Chaput qui permit par la vulcanisation, de les rendre souples et stérilisables. Cependant, tout ne s’est pas fait simplement et il y des détracteurs, parfois à la limite du caprice : « 2 orifices pour les yeux, véritables masques des Touaregs », « je vois non seulement que le chirurgien doit être masqué et ganté de frais, mais qu’il doit se faire nettoyer la bouche, plomber les dents, porter des cheveux courts, s’asepsier la barbe par des lavages antiseptiques fréquents ? ??où allons-nous ? » Et prémonitoire : « je tremble en songeant aux précautions qu’on nous forceras à prendre au siècle qui vient ? ?? »
La douleur vaincue, l’infection maîtrisée, la chirurgie allait enfin pouvoir prendre son envol et progresser de manière fulgurante. Pasteur est surtout connu du grand public pour ses travaux sur la rage mais c’est comme découvreur de l’asepsie chirurgicale qu’il est devenu un bienfaiteur de l’humanité.