Jusqu’en 1940, la " ranimation ", procédé manuel ou mécanique destiné à ramener un individu à la vie, était employée essentiellement au traitement des détresses respiratoires par asphyxie, noyade ou électrisation. En 1943, une nouvelle spécialité est née aux côtés de l’anesthésie et de la chirurgie : la réanimation-transfusion, énonçant les règles du traitement du choc traumatique, véritable urgence médico-chirurgicale, dont la transfusion sanguine était la première arme réellement efficace pour assurer un déchocage pré-opératoire [2]. La fin du conflit entraîne la disparition des réanimateurs-transfuseurs dont la discipline se scinde. La transfusion évolue de son côté, étudiant les problèmes de conservation, de fractionnement et d’approvisionnement du sang, ainsi que la sécurité transfusionnelle. La réanimation ne s’est maintenue, à de rares exceptions près, qu’en milieu chirurgical, grâce aux anesthésistes [3]. L’anesthésie, dont la mission initiale était de livrer au chirurgien un patient insensible en état de résolution musculaire, s’était en effet peu à peu enrichie de la notion de protection de l’opéré. La sécurité et le confort de ce dernier ont été accrus par une meilleure connaissance de la physiopathologie, de la biologie et de la pharmacologie. En contre partie, le rôle de l’anesthésiste s’est de plus en plus étendu aux périodes pré et post-opératoires et il lui a été confié le maintien et le rétablissement des fonctions cardio-vasculaires, respiratoires, rénales et endocriniennes. Ainsi, l’anesthésiste est devenu un réanimateur à part entière [4]. Une dernière étape a été franchie avec l’essort des transports sanitaires d’urgence, permettant à l’hôpital de sortir de ses murs et d’amener les techniques hospitalière d’anesthésie-réanimation au domicile des patients ou au bord des routes. Ces méthodes sont naturellement issues des évacuations des blessés de guerre. L’évolution s’est poursuivie plus récemment avec le développement de l’enseignement de la médecine de catastrophe, héritière directe de la médecine de guerre.
L’ anesthésie-réanimation moderne est donc née de la guerre. Chaque conflit conduit les médecins militaires à améliorer les techniques de réanimation de leurs blessés et leurs travaux font souvent autorité dans la pratique hospitalière civile : Aubaniac, professeur d’anatomie à Alger, crée en 1943 au sein de l’armée d’Italie la voie veineuse sous clavière, publiée par la suite en 1952 [5] ; Laborit et Huguenard préconisent en 1953 la neuroplégie chez les blessés d’indochine en association au remplissage vasculaire [6] ; Teshan, en Corée en 1954, jette les bases de l’hémodialyse prophylactique au cours des insuffisances rénales aiguà« s post-traumatiques [7] ; au Viét-Nam, des moyens dignes d’un véritable Centre Hospitalo-Universitaire du temps de paix permettent aux médecins militaires américains d’étudier le syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte et de proposer un traitement spécifique du " poumon de Da Nang ", repris par Ashbaugh en 1967 [8] ; Klebanoff, Hardaway, Cutler publient entre autres sur le traitement du choc traumatique, l’hémodilution, l’autotransfusion, la compression pneumatique circonférentielle, la coagulation intra-vasculaire disséminée, les solutés de remplissage [9,10, 11, 12]. Les progrès réalisés sont utilisés quotidiennement au sein des Service d’Aide Médicale Urgente (SAMU), au bloc opératoire et dans les services de réanimation et ont grandement contribués à faire reculer les limites de la chirurgie du temps de guerre comme du temps de paix.
L’évolution de ces techniques s’est fait progressivement et ce depuis très longtemps. Après un bref rappel des enseignements de nos grands anciens que sont Ambroise Paré puis les chirurgiens du premier Empire qui en furent les précurseurs, l’étude de l’évolution de la réanimation au cours des conflits armés s’intéressera en premier lieu au Service de Santé de l’armée française au cours de la première et de la seconde guerre mondiale, puis seront abordés les conflits en Indochine, en Algérie, au Tchad et plus récemment en ex-Yougoslavie. L’expérience des services de santé étrangers sera traitée ensuite avec l’évolution des techniques de réanimation au sein de l’armée américaine depuis 1917, les enseignements de la guerre des Malouines et des conflits israélo-arabes.
BIBLIOGRAPHIE
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– 2. BOLOT T, DAUSSET M. Chirurgie d’armée et réanimation. Afrique Chirurgicale Française 1944 ; 2 : 39-43.
– 3. DUCHESNE G. Historique de la transfusion sanguine aux armées. Médecine et Armées 1984 ; 12 : 13-14.
- 4. DELEUZE R, Généralité sur l’anesthésie, in : Médecine d’urgence, anesthésie, réanimation, Masson ed, Paris, 1981, pp 94-5.
- 5. AUBANIAC R. L’injection intraveineuse sous claviculaire. Presse Médicale 1952 ; 60 : 1456.
– 6. PETREQUIN X. La thérapeutique neuroplégique en chirurgie de guerre. Hibernation artificielle et déconnexion neuro-végétative d’après l’expérience acquise en Indochine. Leconte ed, Paris, 1957, 133p.
- 7. TESHAN PE et coll. Post traumatic renal insufficiency in military casualties. American Journal of Medecine 1955 ; 18 : 172-186.
- 8. ASBAUGH DG. Acute respiratory distress in adult. Lancet 1967 ; 319-323.
- 9. KLEBANOFF G, WATKINS D. A disposable auto transfusion unit. American Journal of Surgery 1968 ; 116 : 475-6.
– 10. HARDAWAY RM. CIVD, a cause of shock. American Journal of Surgery 1959 ; 149 : 462-70.
– 11. HARDAWAY RM. Changing concepts of resuscitation in US Army. Military Medecine 1976 ; 141 : 149-56.
- 12. CUTLER BS, DAGGET WM. Application of the G-Suit to the control of hemorrage in massive trauma. Annales of Surgery 1971 ; 173 : 511-4.