Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

Le jour où je me suis pris pour Dieu

Cazalaà Jean-Bernard

  mise en ligne : dimanche 19 septembre 2021




Le 28 février 1975, j’étais de permanence en primaire au Samu de Paris dans ce qui était appelé : Police secours - SAMU. C’était le début des secours primaire du Samu de Paris. A l’avant de l’unité se trouvait deux agents de police secours (un chauffeur et un accompagnateur) et dans la cabine de l’ambulance (une camionnette G7) l’équipe médicale composée d’un senior et d’un externe en médecine.

L’appel est déclenché vers 16 h 30 suite à une fusillade au Bar Le Thélème au coin du boulevard Saint Germain et de la rue du Cardinal Lemoine. En arrivant, je pénétrais dans l’établissement où des inspecteurs de la BRI en civil avec brassard appréhendaient deux clients au niveau du bar. Dans l’espace situé au coin des deux rues, j’ai vu plusieurs impacts de balles sur les vitres et plusieurs corps amoncelés qui ne bougeaient pas, ne respiraient pas et ne faisaient aucun bruit. J’ai pensé qu’ils étaient tous morts. Quand je m’avançais pour faire le bilan de tous ces corps, un inspecteur de police m’a dit : « Attention, docteur on ne les a pas fouillé, ils ont des armes ». Et au moment où j’ai posé un pied dans la surface où se trouvait les corps : tous, sauf deux, se sont mis à respirer, à bouger et à se plaindre, je les avais ressuscité.
J’ai immédiatement compris qu’il faisait les morts pour ne pas risquer une autre fusillade et que ma présence près d’eux avait éloigné ce danger. Mais ce moment est resté pour moi inoubliable.
Un des membres du gang Zemour était mort. J’ai pris en charge William Zemour et j’ai pu l’amener aux urgences de la Pitié Salpétrière où il décédera en cours d’intervention. D’autres équipes sont venues pour s’occuper des autres blessés.