date de publication : octobre 2003
mise en ligne : dimanche 9 novembre 2008
Horace Wells (1815-1848) est ce dentiste américain qui, en 1844, a découvert et mis en pratique les propriétés anesthésiques du protoxyde d’azote. Il est vrai que, cinquante ans plus tôt, le chimiste anglais Humphrey Davy avait signalé ces propriétés mais il ne les avait pas mises à profit et, de toute manière, Horace Wells ne connaissait pas ces travaux.
Horace Wells était né en 1815 à Hartford, Connecticut. C’était un descendant direct des premiers immigrants puritains anglais en Nouvelle Angleterre. Après des études dans les meilleures écoles confessionnelles (il songea même à devenir ministre du culte), il aborda les études de dentiste dans le prestigieux milieu médical de Boston et, ensuite, y ouvrit un cabinet.
Il forma plusieurs étudiants, dont Thomas Green Morton , celui à qui on attribue la découverte de l’anesthésie à l’éther, et John M. Riggs, celui qui réaliserait la première extraction dentaire sous anesthésie au protoxyde d’azote, sur Wells lui-même. Ingénieux, Wells inventait des procédés et fabriquait des instruments. C’est ainsi qu’il rencontra le chimiste Jackson à qui il confia l’analyse d’amalgames dentaires qu’il avait mis au point. Puis Wells s’installa à Hartford.
C’est donc dans cette ville qu’il assista à la conférence d’un jeune chimiste ambulant, Gardner Quincy Colton, qui expliquait la nature et les propriétés hilarantes de l’oxyde nitreux et passait ensuite à des exercices pratiques sur des membres de son auditoire. Wells observa l’absence de douleurs manifestées par un participant qui s’était blessé dans une chute survenue sous l’influence du gaz. Immédiatement, il eut l’intuition du parti qu’on pouvait tirer de ce fait dans l’exercice de sa profession et dès le lendemain, le 11 décembre 1844, il se faisait extraire une dent par son ancien élève Riggs tandis que Colton lui administrait le gaz.
Il se fit enseigner par Colton la préparation de l’oxyde nitreux et avec l’aide de Riggs il introduisit cette technique dans sa pratique et dans celle de nombreux confrères de Hartford. Les résultats qu’il obtint furent publiés dans le Boston Surgical and Medical Journal du 18 juin 1845. Wells proposa également le N2O en chirurgie, ce qu’il eut l’occasion de mettre en pratique en août 1847 et janvier 1848.
En 1845, Wells essaya également l’éther, mais après en avoir discuté avec ses collègues, dont John Riggs, il le jugea moins commode que le N2O dans sa pratique dentaire, sans toutefois l’écarter dans les grandes interventions chirurgicales. Quelques jours après ses premières expériences, il se rendit à Boston où, après avoir revu Morton et Jackson , il rencontra le Pr Warren, chirurgien du Massachusetts General Hospital. Ce dernier le présenta à ses étudiants et lui demanda de faire une démonstration d’extraction dentaire sous anesthésie sur l’un d’eux. On le sait, la réussite ne fut pas au rendez-vous, Wells retira trop tôt le sac, et on qualifia l’entreprise de humbug (farce) le mot que Warren emploierait plus tard devant la réussite de la première anesthésie à l’éther donnée par Morton : « it is not a humbug ». Wells quitta les lieux sous les quolibets. En fait le patient reconnaissait que la douleur n’avait pas été aussi importante que ce à quoi il s’attendait et plus tard, trois témoins devaient démentir l’échec. En 1847, sa mauvaise santé obligea Wells à suspendre ses activités professionnelles. Il se rendit en Europe, en partie pour s’y faire soigner mais aussi pour y défendre sa priorité dans la découverte de l’anesthésie, priorité mise à mal par la publicité faite autour de Jackson et de Morton . Paris était alors la Mecque de la Médecine, la ville qui pouvait le plus sûrement consacrer les gloires médicales. Il y rencontra son collègue et compatriote Brewster, dentiste de la famille royale, qui l’introduisit auprès des deux Académies. Les lettres annonçant des preuves établissant sa priorité non seulement dans l’inhalation de l’éther ou du protoxyde d’azote « mais dans le principe même qui établit la possibilité de la production de l’état d’insensibilité » furent lues en février et mars 1847, en plein débat sur l’éthérisation. [1] Mais l’Académie des Sciences avait déjà donné la priorité à Jackson et n’examinerait la requête que si des preuves et témoignages étaient présentés. L’Académie de Médecine ne semble pas avoir donné suite cette année-là. En janvier 1848 Wells devait obtenir une certaine reconnaissance : le titre de médecin honoraire lui fut décerné, un peu tard
Wells avait payé son voyage en faisant le commerce de tableaux, achetés en Europe et revendus aux Etats Unis. De retour à Hartford, il ne réouvrit pas son cabinet et vécut de conférences sur l’ornithologie, à laquelle il s’était toujours intéressé.
Lorsque le chloroforme fut révélé par Simpson comme un anesthésique de valeur, Wells chercha à savoir si cet agent n’était pas supérieur au N2O en dentisterie et, comme à son habitude, l’essaya sur lui-même. Ce fut là son malheur : il tomba rapidement dans l’assuétude au point que sa conscience en fut altérée. Il se rendit coupable d’un attentat accompli dans une demi-conscience. Arrêté, il mit fin à ses jours le 24 janvier 1848, à l’âge de 32 ans.
Les deux textes que nous reproduisons ci-dessous sont extraits du Journal des Connaissances médico-chirurgicales de 1848. [2]Signalons que beaucoup plus tard la France reconnut pleinement l’antériorité de Wells dans l’invention de l’anesthésie chirurgicale : une statue lui fut érigée en 1 Square des Etats-Unis à Paris. Sur le socle on peut lire :« Au dentiste Horace Wells. Novateur de l’anesthésie chirurgicale ».
[1] Lettre de M. Wells pour réclamer la priorité de la découverte des vaporisations éthérées sur la sensibilité. Séance du 23 février 1847.Bull Acad Med, 1847, 12 : 394-396. Réclamation de priorité relative à l’emploi de l’éther administré par les voies de la respiration, pour suspendre la sensibilité chez les individus destinés à subir des opérations chirurgicales. Extraits d’une lettre de M. Wells, chirurgien dentiste à Hartford (Connecticut). Séance du 8 mars 1848. CR Acad Sciences, 1847, 24 : 372-373.
[2] Usage du chloroforme in extremis. J Conn med-chir, 1848, 33 : 218.