La liberté des voies aériennes supérieures (VAS) chez un patient inconscient ou sous anesthésie générale est un dogme que nous respectons impérativement en pratique quotidienne. Nous l’apprenons dès le début des études paramédicales, médicales ou méme de secourisme. Pour tous, il semble avoir toujours existé mais ce dogme a mis beaucoup de temps pour se développer.
Cette histoire aura plusieurs articles : origines de la trachéotomie et de l’intubation oropharyngée ou orotrachéale avant 1847. les techniques pour lutter contre l’obstruction des VAS jusqu’en 1908, les canules oropharyngées, l’intubation trachéale après la découverte de l’anesthésie, le masque laryngé.
Avant l’anesthésie
Dès l’antiquité, l’obstruction des VAS est perçue comme mortelle. Ainsi nous retrouvons dans les textes l’origine de la trachéotomie et de l’intubation oropharyngée ou orotrachéale.
les origines de la trachéotomie
La première notion de trachéotomie aurait été retrouvée en Egypte plus de 3000 ans avant JC.

L’arrivée de l’anesthésie va modifier les pratiques mais il a fallu apprendre et trouver les techniques adaptées.

Deux stèles des pharaons de la première dynastie retrouvées par Petrie et Saad (Aha, Abydos et Djer, tombe Hemaka à Saqqara) montrent des gravures évoquant la réalisation d’une trachéotomie. Ces tablettes montrent deux hommes en face l’un de l’autre, l’un est accroupi et l’autre assis avec téte et tronc rejetés en arrière, les mains liées derrière le dos. Le premier applique au dessus du sternum du second, un instrument long et mince à pointe losangique.
Mais ces explications sont rejetées par beaucoup qui ne voit là que la représentation symbolique de la féte du Hed-Sed (jubilé royal tous les 30 ans pour insuffler un élan vital au pharaon vieillissant).
Cependant au cours de l’Antiquité, la notion de trachéotomie apparaît épisodiquement dans quelques écrits :
- Les égyptiens utilisaient des roseaux insérés dans la trachée à travers la peau pour ventiler (1).
- Homère (-800 / -740) conte la survie d’un patient qui suffoquait en lui ouvrant la trachée.(2).
- Hippocrate (-460 / -375) préconise l’introduction d’une flà »te droite de berger dans la gorge en cas d’esquinancie suffocante (angine) ou de sténose (3).
- Alexandre le Grand (-356 / - 323) ouvre avec son épée la trachée d’un soldat s’étouffant avec un os (2).
- Asclépiade de Bithynie (-124 / -40) recommande la trachéotomie comme ultime remède à l’asphyxie (3).

La description détaillée d’un trachéotomie d’après la technique d’Antillus (médecin grec exerçant à Rome au IIIème siècle) apparaît dans les écrits de Paul d’Egine (625-690) (4) mais nous ne retrouvons de trachéotomie prouvée réalisée chez l’homme qu’en 1502 selon les écrits de Antonio Benivieni (1443-1502).
![]() Paul d’à‰gine (625-690)
Origine Académie de médecine
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![]() Antonio Benivieni (1443-1502)
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A partir du XVIème siècle, les écrits se multiplient, tant sur la technique que sur les canules. cette technique devient donc une pratique au XVIIème siècle :
Realdo Colombo (1516-1559) cite la technique de trachéotomie de Vésale et détaille la méthode pour réaliser celle-ci (6).
Girolamo Fabrizi d’Acquapendente (1537-1619), élève de Gabriele Falloppio (1523-1562) préconise la trachéotomie bien qu’il n’en est jamais pratiqué (7),
Giulio Cesare Casseri (1552–-1616), élève d’Acquapendente, réalise une trachéotomie et insère une canule en argent, courbe, plate percée de trous et maintenue par un fil noué sur la nuque (8).

![]() Gravure livre Habicot 1620
Origine BIU Sante
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![]() Légendes figure livre Habicot 1620
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En 1620, Nicolas Habicot (1550-1624) publie : « Question chirurgicale, par laquelle est démontré que le chirurgien doit assurément pratiquer l’opération de la bronchotomie, vulgairement dicte laryngotomie ou perforation de la fluste ou tuyau du polmon » (9).

1. Keys EK. The history of surgical anesthesia. New York Schuman ; 1945 p,6. (reprint by Park Ridge, Wood Library-Museum of anestjesiology, 1996).
2. Fisher JM. The earliest records, Resuscitation 2000 ; 44 : 79-80.
3. Julliard D. Contribution à l’étude de l’histoire de la trachéotomie, de l’intubation et du laryngoscope en anesthésie. Thèse Lyon 1983
4.Briau R. Chirurgie de Paul d’origine texte grec traduit en français par l’auteur, Paris, Victor Masson 1855. (chap, XXXIII p 164-7)
5. Benivienius A. De abditis nonnullis ac mirandis morborum et sanationum causis liber. A. Cratander, Basileae Cap. 58 ; 1529 : 241-2.
6. Colombo R. De re anatomica libri XV, Venice 1559.
7. Acquapendente GF. Opera chirurgica, Padoue, 1617.
8. Casserius I. De vocisavditvsque organis historia anatomica. Ferrara : Baldimus ; 1600. Lib. I, Cap. XX : 119-24 u. Tab. XXII.
9. Louis A. Mémoire sur la bronchotomie. Mémoires de l’académie royale de chirurgie Tome quatrième, Paris P Alex Le prieur 1768 (p, 476-483).
5. Hippocrate . Traité de l’air, de l’eau et des lieux.