Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

Les solutés de perfusion

Exposition 2000 - Congrès de la SFAR - Paris

Cazalaà Jean-Bernard

date de publication : septembre 2000


  mise en ligne : jeudi 8 mai 2008




170 ans de progrès d’une forme pharmaceutique née à l’hôpital

Nés de la recherche de traitement dans des cas désespérés, les solutés de perfusion sont apparus en 1831. LATTA avec LEWINS et CRAIGIE de LEITH traitent trois cholériques par "the copious injections of aqueous and saline fluids into the veins" suite aux travaux du Docteur O’SHAUGHNESSY.

Une composition qui évolue en fonction des besoins

Le liquide injecté par LATTA n’assurait qu’un apport hydrique et électrolytique et était hypotonique. Il en était de méme du "sérum de HAYEM" utilisé lors de l’épidémie de choléra de 1884. Il fut le premier soluté injectable inscrit à la Pharmacopée Française avec celui de ClNa et celui de gélatine (Edition 1908). Le soluté physiologique normal, mettra 3 éditions de pharmacopée et 40 ans pour devenir isotonique (Codex de 1949).
Deux solutés de glucose (5% qualifié d’isotonique, 30% hypertonique) dont l’emploi avait été préconisé en 1891 par BIELD et KRAUSE, apparaissent dans le supplément de 1926. Mais ce n’est qu’en 1944 pour que les solutés glucosés à 10% soient utilisés dans les hôpitaux militaires français et encore plus tard dans les hôpitaux civils après leur importation des Etats-Unis. Les solutés de bicarbonate, apparaissent quant à eux dans la Pharmacopée de 1937 à la concentration de 1,25%. Après la mode passagère du sérum de BINET (ClNa, hyposulfite et bicarbonate de sodium), les ajouts d’ions dans les solutés de base juste avant la pose de la perfusion. se généralisent, dans les années 1950, pour adapter l’apport électrolytique à l’état du patient. La fabrication de mélanges tout prét "à la formule" réduisant les risques de contamination se développe jusqu’à la commercialisation de solutés polyioniques standards comme les solutés injectables de Ringer ou de Ringer lactate.

Le premier soluté de remplissage utilisé est le sérum gélatineux qui était de fabrication difficile avec une matière première fortement contaminée. De maniement délicat, il était accusé de transmettre le tétanos et d’étre la cause de nombreux chocs d’origine allergique. Il sera remplacé par les solutés de polyvinylpyrrolidone avec la commercialisation en 1949 de la spécialité SUBTOSAN® en France puis par les solutés de dextran d’origine suédoise en 1950.

A la méme époque, étaient utilisés depuis plusieurs années des solutés nutritifs riches en hydrolysats de protéines issus des travaux sur la nutrition artificielle de LOEWI (1902) d’une part et ABDERHALDEN et RONA (1904) d’autre part. Ils furent détrônés par les solutés d’acide aminés développés, d’après les études de ROSE d’une part et celles de SHOHL et BLACKFAN d’autre part, par le suédois WRETLIND qui commercialise l’Aminosol® en 1944. En France, le premier soluté d’acide aminés cristallisés sera commercialisé en 1954 par le Laboratoire EGIC.

Les premières émulsions de lipides (1963) prennent leur essor en 1965 avec la commercialisation de l’émulsion d’huile de soja INTRALIPID®. Se développent alors dans les service de pharmacie hospitalière des unités de nutrition parentérale réalisant "à la carte" des mélanges nutritifs dans des poches souples en silicone puis en éthylvinyl acétate. Les premières spécialités de mélanges ternaires présentées en poche et de composition standard obtiendront leur AMM en France en 1993.

Des caractéristiques de plus en plus contraignantes

Dès 1831, LATTA constate après traitement la détérioration des veines et l’apparition d’infections chez ses malades cholériques. En 1885, METADIER, signale que plusieurs cholériques guéris ont présenté au bout de 3 ou 4 jours des symptômes typhiques et en 1890 SCHILMMEL-BUSCH relate de nombreux cas d’infections dues à des solutions non stériles ou à des injections pratiquées d’une façon non aseptique. Il rapporte en 1893, le développement des micro-organismes dans l’eau distillée et les solutés injectables. Ces travaux confirmaient la nécessité de les stériliser, opération déjà plus ou moins bien pratiquée par ADRIAN (1872), KLEBS et TIEGEL (1885), GIRLING (1886), LIMOUSIN (1886), BERLIOZ (1894) et oblige la commission du Codex à publier une méthode de stérilisation dans le supplément de 1895. (fig. 1)

"Elle consiste à laisser 15 minutes au bain-marie bouillant le soluté qui a été préparé avec de l’eau bouillie et filtrée. Celui-ci était placé dans un flacon bouché à l’émeri avec interposition, entre le bouchon et le goulot, d’un fil, destiné à laisser échapper l’air, que l’on retirait une fois l’opération achevé". Ce procédé ne réalisait pas encore une stérilisation parfaite (non destruction des pores). Le Codex de 1908 ajoute "lorsqu’on dispose d’un autoclave, il est préférable de stériliser le soluté à 110°C pendant 10 minutes, en prenant les mémes précautions pour la sortie de l’air".

En 1937 est exigé, pour les solutés injectables, la stérilité et si possible la méme pression osmotique que les liquides de l’organisme. Une méthode de contrôle de la stérilité est fournie également pour la première fois. Malheureusement, les connaissances acquises dans ce domaine ne permettront pas de supprimer les infections dues à la pose de la perfusion (maladie de la seringue) qui ne furent éradiquées qu’avec la stérilisation du matériel, le respect de règles strictes d’asepsie mises en oeuvre après les travaux de MOLLARET et REILLY (1947), CHRISTOL (1849), CACHIN (1952) et le développement de l’usage unique. (fig. 2)

Les résultats obtenus en matière de stérilisation ont rendu alors possible l’étude d’un phénomène signalé à peu près simultanément en 1911 par REBIERE, WECHSELMANN, HART et PENFOLD appelé "la fièvre saline ou chlorurée". Caractérisé par des accès hyperthermiques pouvant durer quatre à douze heures, il avait été observé par de nombreux prescripteurs hospitaliers de "sérums artificiels" et attribué jusque-là tour à tour à la température de la solution, au pH, à la vitesse de l’injection ou à la nature des substances dissoutes. En 1923, Florence SEIBERT donne le nom de pyrogène à ces substances issues de bactéries Gram négatif qui résistent à la chaleur, qui ne sont pas retenus par tous les filtres stérilisants de l’époque et que Gustave ROUSSY avait dénommé "pyrétogénine" en 1889. A la suite des travaux de CO-TUI, Mac CLOSKY, SCHRIFT et YATES qui démontrent les difficultés à éliminer ces pyrogènes, la fabrication des solutés sera effectué avec de l’eau distillée fraîchement préparée et une recherche de pyrogènes réalisée sur les produits finis au moyen d’une méthode développée chez le lapin et inscrite à la Pharmacopée américaine en 1942. Elle sera officialisée en France avec le Codex 1949 et est toujours pratiquée aujourd’hui, associée à d’autre techniques. (fig. 3 et 4)

La dernière caractéristique à faire l’objet d’une attention soutenue est la limpidité des préparations. Dès 1960, de nombreuses études ont été menées sur les risques apportés par les particules non visibles, retrouvées au cours d’autopsies de malades perfusés

Une fabrication qui augmente la durée de conservation

La stérilisation, le plus souvent effectuée à l’autoclave à haute température, pouvait altérer les principes actifs en solution et le conditionnement des solutés. André LESURE démontre l’altération de certains principes actifs par l’alcali cédé à chaud par les verres défectueux et les risques de contamination par les métaux lourds. Le Codex de 1937 et les suivants s’attacheront à définir une qualité du verre. L’emploi des polymères de synthèse soulèvera avec les problèmes de la destruction des conditionnements usagés des difficultés de méme ordre, de compatibilité contenant-contenu. Ces phénomènes ainsi que la perméabilité aux gaz deviendront l’objet d’études préalables à la commercialisation et inciteront les fabricants à développer des récipients en plastiques autres que le chlorure de polyvinyle ou constitués de plusieurs couches de polymères différents. (fig. 5-7)

Ces progrès, avec une amélioration de la transparence, une information précise donnée par l’étiquetage et l’application dès 1978 de bonnes pratiques de fabrication et de production pharmaceutique, permettront de donner aux utilisateurs un médicament prét à l’emploi, de bonne conservation et facile à administrer.