L’étape anatomique débute par HARVEY qui démontre la possibilité des injections dans les veines et indique méme la manière de les pratiquer (fig. 1) . L’anatomiste BORELLI infuse dans les vaisseaux du vin rouge. BORELLUS, quant à lui, étudie les vaisseaux du placenta en y injectant du lait.
L’étape expérimentale et théorique vient très vite ensuite. En 1638 POTTER, et en 1651 le moine français Robert DES GABETS proposent la transfusion sans l’exécuter.
La première injection intra-veineuse est rapportée par SCHOTTUS : « à la cour du prince palatin Rupert, on s’amuse à injecter dans les veines des chiens du vin et de l’eau de vie ».
Pour ses contemporains, le premier à pratiquer les infusions est l’anglais Christopher WREN (1632-1723). Il injecte, en 1655, dans les veines d’un chien une solution d’opium dans du vin de Xérès. L’animal survit après quelques moments de stupeur !
BOYLE injecte le safran d’antimoine dans les veines d’un criminel "qui tombat, ou fit semblant de tomber évanoui". Il recommande l’essai, dans les mémes conditions, de cordiaux, d’antidotes, de diurétiques. CLARKE emploie du lait, de la bière, du petit lait et du bouillon. Il essaie également le sang mais sans succès.
En 1664 , l’allemand MAJOR pense à injecter une liqueur médicamenteuse dans les veines. De plus MAJOR a l’idée de réaliser un référendum sur l’infusion parmi les savants de son temps. Il condense les réflexions de ses correspondants en une série de 86 propositions en latin (fig. 2).
L’étape thérapeutique débute en 1661. ELSHOLTZ publie les résultats dans "Clysmatica Nova"
Michel ETTMULLER (1644-1683), publie en 1668 "Dissertatio de chirurgia infusoria" Il définit la finalité de l’infusion : "C’est de méler promptement avec le sang et de porter au coeur le remède sans diminution de ses forces pour le distribuer de là dans toute la machine du corps et rendre son effet plus prompt et plus puissant. (fig. 3)"
Auteur | Date | Produit | A qui ? | Indications (résultat) |
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Boyle | 1656 | Safran Opium |
Un criminel |
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Elsholz | 1665 | Eau de plantain | 2 soldats 1 soldat |
Ulcère de jambe (guéri) ; fièvre (?) Scorbut (guéri) |
Fabricius | 1666 | Scamonium + gaiac | 1 soldat | Exostose syphilitique (guérie ! ! !) |
Schmidt | 1667 | Jalap | 5 patients | 2 infections (1 mort ; 1 guérie), goutte, apoplexie, plica (guéris) |
Stirius | 1668 | Alcool, eau, opium, émétique |
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Purmann | 1670 | Eau de cochlée Eau de Chardon Alcool, ammoniac Eau de marjolaine jalap |
Lui + patient Lui 3 hommes |
Dermatose (guérie) ; scorbut Fièvre, dysenterie Epilepsie (guérie) Céphalées Purge et émétique |
Ettmuller |
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Opium, ammoniac, ,corne de cerf | . | Fièvre maligne |
L’enthousiasme suscité par cette nouvelle méthode est malheureusement freiné par les accidents prévisibles : infection, embolie gazeuse, toxicité des substances. L’abandon de cette thérapeutique coïncide avec l’interdiction de pratiquer la transfusion.
En 1666, l’anglais LOWER effectue avec succès la transfusion entre deux chiens, en mettant en communication directe l’artère carotide de l’un (par conséquent sacrifié), avec la veine jugulaire de l’autre. En 1667 (fig. 4), COXE et KING décrivent une transfusion entre deux chiens mais de veine à veine et sans sacrifier un des deux animaux.
En 1667 le français DENIS, philosophe et mathématicien, et son chirurgien EMMERETZ réussissent la première transfusion animal/homme afin de démontrer : "les effets que pouvait produire le mélange de sangs différents." (fig. 5)
DENIS pratique la transfusion chez d’autres personnes et notamment deux fois chez un fou qui, traité à la fin de 1667 semble guéri. Quand ses troubles mentaux reprennent en 1668, une nouvelle transfusion allait étre pratiquée à la demande expresse de la femme de l’aliéné, "mais malade fut pris d’un violent tremblement de tous ses membres ; la transfusion ne fut pas faite et le malade mourut dans la nuit. " La femme du malade stimulée par les détracteurs de DENIS, attaque celui-ci qui de son côté, porte plainte. L’affaire vient devant le Châtelet de Paris en 1668. Ce tribunal rend une sentence où il décide : "qu’à l’avenir la transfusion ne pourrait étre faite chez l’homme sans l’approbation d’un médecin de la Faculté de Paris". Il est à noter que DENIS était issu de la Faculté de Montpellier. Cette sentence est suivie deux ans plus tard d’un arrét du Parlement de Paris daté du 10 janvier 1670 déclarant : "Défense à tous médecins et chirurgiens d’exercer la transfusion du sang à peine de punition corporelle et de prison. Les épreuves extraordinaires sont généralement dangereuses : et pour une qui réussit, toutes les autres deviennent mortelles."
De ce jour, il ne devait plus étre question d’infusion ni de transfusion !
TECHNIQUES
Les appareils et les méthodes auxquels ont eu recours les différents opérateurs ne sont guère moins variés que les substances qu’ils ont choisies. Au XVIIème siècle, la plupart des auteurs ont recours à la dénudation de la veine choisie pour faire les injections.
Pour sa première infusion chez l’homme ELSHOLTZ s’est servi d’une seringue en métal : "La seringue commune est composée d’un cylindre d’étain (ou d’argent, de cuivre), creux, terminé par un tuyau beaucoup plus court et beaucoup plus petit."
L’injection peut se faire aussi grâce au souffle de l’opérateur à travers un petit chalumeau.
DIDEROT, dans son Dictionnaire Universel de la Médecine en 1748 représente la "seringue"comme une vessie fixée soigneusement à une tige creuse (le plus souvent tige de roseau) . Major employait un appareil similaire
En 1638 POTTER et DES GABETS qui propose la transfusion sans l’accomplir, propose une instrumentation. Celle-ci comprend deux petits tuyaux d’argent reliés par une bourse de cuir qui s’emplit par arrivée du sang, et se vide par pression.
TARDY propose, pour éviter les inconvénients qui suivent l’ouverture des artères, qu’on fasse la transfusion de veine à veine. MAJOR est le premier à pratiquer la transfusion d’homme à homme selon cette méthode.
Il est à remarquer qu’EMMERETZ sera le premier de ses contemporains à pratiquer la ponction veineuse directe sans dénudation préalable des vaisseaux. (fig. 6)
CONCLUSION
Au XVIIème siècle, l’empirisme notamment sur la physiologie et sur la circulation fait que, hormis quelques rares exceptions, le premier et seul terrain d’expérimentation est l’homme. Les produits injectés ne répondent à aucun critère de logique. L’appareillage est simplifié au maximum. La conclusion peut étre à cette époque celle de DRONSART dans sa thèse de 1824 :
"Dans la très grande majorité des cas, le moindre inconvénient de l’infusion, c’était son inutilité."