LES ORIGINES.
Ovide dans ses Métamorphoses nous raconte l’opération que la célèbre magicienne Médée entreprit à la demande de Jason pour rendre vigueur et jeunesse au vieux roi Eson.
"Les herbes fermentent dans un vase d’airain placé sur le brasier, il bouillonne et une écume épaisse blanchit sa surface, (...) la goutte brà »lante, en tombant sur la terre, produit un vert gazon, les fleurs et les gras pâturages surgissent à l’instant, à peine Médée les voit-elle naître qu’elle tire son épée du fourreau, frappe la gorge du vieillard, elle laisse couler son ancien sang et le remplace par ses sucs. Un nouveau sang circule dans ses veines taries naguère (€¦), Eson, étonné, retrouve la vigueur dont il se souvient d’avoir joui quarante ans auparavant".
Abstraction faite de la magique et brillante description d’OVIDE c’est bien le tableau d’un homme vieux et malade à qui on a pratiqué une copieuse saignée jugulaire suivi d’une perfusion salvatrice. Mais OVIDE omet de nous décrire par le menu l’appareil qui permet d’injecter le miraculeux liquide !
L’appareil le plus simple, employé tant en Egypte pour embaumer les morts, que dans le monde gréco-romain se composait d’une vessie animale servant de réservoir relié à une tige creuse, roseau taillé ou os de volaille. En thérapeutique ces seringues primitives servaient essentiellement à pratiquer des injections intrarectales ou des lavages de plaie.
Pendant tout le Moyen Age ce système, un peu perfectionné par AVICENNE, sera utilisé. Les premières injections intraveineuses réalisées par Wren et Major sur des chiens en 1656 seront réalisées avec un appareil de méme conception.
LES SERINGUES A PISTON.
Les plus anciennes seringues de ce type ont été retrouvées dans les ruines de Pompéi. PLINE décrit sous le nom de "strigillis" un système permettant les injections intraauriculaires. (fig. 1)
Vitruve, architecte, nous raconte que Ketsibios, fils d’un barbier d’Alexandrie découvrit quelques 20 ans avant notre ère le moyen de mettre un miroir à hauteur variable en faisant courir des poids dans un cylindre. Il adapta ce piston à de multiples prototypes et parmi ceux-ci, une pompe à feu pour éteindre les incendies.
Un siècle plus tard, Héron, toujours à Alexandrie, décrit une seringue à piston et cylindre dont l’usage chirurgical est destiné à l’aspiration du pus des plaies. Ce dispositif se répandit en Grèce et à Rome.
Puis, en Europe, des seringues en métal, ou clystères, furent employées par les chirurgiens barbiers des XVème et XVIème siècles ,principalement, comme les travaux d’Ambroise PARE le suggèrent, pour irriguer les plaies, les fistules et traiter les maladies du tractus urinaire. Ainsi ces clystères étaient employés pour traiter à l’aide d’injections de sublimés mercuriels les maladies vénériennes importées du Nouveau Monde à cette époque. (fig. 2)
ELSCHOLTZ sera le premier à utiliser ce "clysmatica nova" pour pratiquer une injection intraveineuse.
Au XVIIIème siècle Dominique ANEL, (fig. 3) chirurgien de Louis XIV met au point une seringue de métal avec piston qu’il utilise pour injecter sur les plaies le baume d’Arcaeus suif et graisse de porc- pour faciliter la détersion.
Au début du XIXème siècle on voit réapparaître en France la pratique des injections intraveineuses avec le baron PERCY. Il y a eu recours souvent et, paraît-il, avec d’excellents résultats, surtout dans les cas de tétanos. Il utilisait, pour réaliser l’injection, l’appareil dit "infusoir de Percy", (fig. 4) un petit entonnoir d’or ou d’argent terminé par un bec effilé et mousse qu’on introduisait dans la plaie. L’infusoir présentait à l’intérieur une soupape rendant impossible le reflux du sang.
MAGENDIE et DUCHAUSSOY appliquèrent la méthode des injections intraveineuses pour traiter le choléra et se servirent pour cela du dispositif D’ANEL bien que le bec de cette seringue soit difficile à employer sans blesser les parois du vaisseau.
Ces seringues métalliques manquaient d’étanchéité et leur emploi était difficile du fait de l’opacité des parois rendant tout contrôle visuel impossible.
En 1853 deux découvertes quasi simultanées vont faire entrer la seringue dans l’ère de la modernité. En Angleterre Alexander WOOD, médecin écossais, voulait soulager les névralgies chroniques par l’injection sous-cutanée de morphine au plus près des nerfs affectés. Il se servit pour ce faire d’une seringue construite par FERGUSON (fig. 5) à Londres. Il s’agissait d’une seringue au corps de verre non gradué avec un piston de verre également, muni d’un système permettant de visser une canule à bords tranchants qui prend le nom d’aiguille creuse. Les travaux de WOOD furent repris et diffusés en France par BEHIER qui pratiqua lui aussi des injections sous-cutanées mais préféra les réaliser à l’aide de la seringue plus précise de son compatriote PRAVAZ .
En France Charles-Gabriel PRAVAZ (fig. 6 et 7) médecin né à Pont de Beauvoisin dans l’Isère s’intéresse à la coagulation des poches anévrysmales. Ayant constaté les énergiques propriétés coagulantes du perchlorure de fer il pense instiller quelques gouttes de ce produit dans l’anévrisme. Il fait confectionner par CHARRIERE une seringue constituée d’un corps de pompe et d’un piston en argent. La course du piston est réglée par un pas de vis. Le disque du piston est en cuir. La canule munie d’un trocart, se visse sur à l’extrémité du corps de pompe. Il est donc possible d’apprécier la quantité de liquide injecté. La paternité de l’aiguille creuse est attribuée soit à PRAVAZ , soit à RYND.
CHARRIERE va rapidement perfectionner la seringue de PRAVAZ en remplaçant le métal du corps de pompe par du verre et le trocart-canule de maniement incommode par une aiguille creuse taillée en biseau ultérieurement réalisées en or ou en platine donc inaltérables. (fig. 8)
Les nécessités de la stérilisation vont entraîner des progrès rapides dans la fabrication des seringues. Les seringues doivent pouvoir étre démontées rapidement et étre composées de matériaux résistants aux procédés de stérilisation. Le cuir du piston va étre remplacé par divers matériaux . STRAUS et COLLIN vont employer la moelle de sureau. à la place du cuir. LHOMME va se servir de "couches de carton d’amiante et de toile fine cousues serré ensemble" pour réaliser un piston solide et étanche.
La graduation va apparaître sur le piston puis sur le corps de la seringue.
La seringue "moderne" tout en verre apparaît en 1894, elle est réalisée par un souffleur de verre français FOURNIER. Elle est rapidement commercialisée par la maison LUà‹R de PARIS. Ces seringues furent très largement diffusées mais concurrencées par les seringues faites à Berlin par DEWITT et HERZ vers 1906. L’embout conique des seringues a été défini par Luà« r mais un autre calibre existait, ce qui a entraîné pendant des générations des problèmes de connexion entre seringues et aiguilles. Des adaptateurs existaient afin de résoudre ce problème de connexion mais ils se perdaient... La norme internationale n’a retenu que la connexion Luer et le verrouillage a été crée par les américains (Luer€“Lock).
L’interchangeabilité piston de seringue et corps de seringue en verre n’est apparue qu’après 1930.
Utilisées durant toute la première moitié du XXème siècle ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’elles seront détrônées en France par les seringues en polyamide à usage unique.
Pour régler les problèmes de stérilisation certains avaient prôné au début du XXème siècle les ampoules auto-injectables destinées à éviter les transferts ampoules seringue. Ces conditionnements ont été employés jusqu’à la seconde guerre bien qu’ils soient coà »teux et compliqués.
Après que l’usage des seringues à usage unique fabriquées massivement par l’industrie (citons l’empire BECTON DICKINSON), se soient universellement répandues, les progrès se portent sur la précision des liquides injectés. C’est l’avènement des pompes et pousse-seringues de plus en plus sophistiqués que nous connaissons.